keep your mouth shut (aspen & kate)

— @aspen wilson & @jacob meads
Je ne décolérais pas. Depuis près de quarante-huit heures, je fulminais et insultais à tout va ma mère, conscient que c’était d’un profond irrespect mais ma fureur prenait le pas dominant sur ma raison. Comment avait-elle pu me faire ça ? M’imposer, à plus de dix-sept ans, une baby-sitter ? La pilulle serait peut-être descendu à mi-chemin de la gorge (et encore, avec un peu d’alcool) si la personne en charge de me garder avait été plus vieille que moi. Mais là… Aspen Wilson. Je faisais bien deux têtes de plus qu’elle et nous fréquentions le même établissement scolaire (quand je daignais m’y rendre) car elle avait le même âge que moi. Un comble ! Et une honte, surtout, si cela venait à se savoir dans les nombreuses rumeurs qui couraient les corridors du lycée.

Je claquais bruyamment la portière de la ruine sur roues de ma mère. Cette dernière avait tenue à me conduire au lycée et me surveillerait jusqu’à ce que je franchisse la grande double porte pour être certaine que je m’y rendrais. Elle me souhaita une bonne journée avec une ironie qui termina de m’agacer. Je n’y répondis pas, me contentant de marcher d’un pas déterminé. Pas que j’avais hâte d’entrer dans cette prison, non. J’avais juste envie d’être loin d’elle. « Oh, Monsieur Meads, vous nous faites l’honneur de votre présence ? Un lundi, en plus ! » Chantonna le surveillant général. Il ne récolta que mon mépris et un majeur fièrement tendu. Je ne pensais qu’à une chose : trouver Aspen avant qu’elle ne parle. Si elle ne l’avait pas déjà fait sur les réseaux. Au fond, je ne connaissais pas grand-chose de cette fille. Nous partagions le même cours de langue mais je ne m’étais jamais intéressé ni à l’un ni à l’autre quand j’étais présent – c’est-à-dire rarement -. A chaque tête blonde, j’attrapais l’épaule et récoltais un cri ainsi qu’une insulte ou bien de la crainte parce que ça n’était pas la bonne personne. Finalement, j’aperçus un profil (et non plus un dos) qui semblait bien correspondre à la personne recherchée. J’attrapais de nouveau par l’épaule, empoignant plus qu’il ne le faudrait l’adolescente. « J’te préviens, si tu parles… ». Et quoi ? Quelle menace ? Mon regard noir suffisait, la plupart du temps, plutôt que les mots. « Je t’interdis de dire quoi que ce soit à quelqu’un à propos de samedi ». Regard sévère, bouche fermée. Je la regardais dans les yeux, cherchant à la déstabiliser.  Foncièrement, je n’avais rien contre elle hormis que sa parole pouvait foutre un coup de plomb à ma réputation. Elle ne m’avait pas embêté lors de son « baby-sitting », se contentant juste de garder un œil sur moi – ce pour quoi elle était payée après tout -. Mais l’idée qu’elle parle était trop insoutenable et surtout, l’idée qu’elle accepte de nouveau de me surveiller pendant une garde de ma mère. S’il fallait, j’épuiserais chacune des baby sitters dégotées par cette dernière jusqu’à la moelle pour avoir la paix. « C’est clair ? » terminais-je en renfonçant la pression de mes doigts sur ses frêles épaules.

— @aspen wilson & @jacob meads
J’avais ruminé cette histoire de babysitting depuis que j’étais rentrée chez moi ce samedi soir. Est-ce que c’était une mauvaise blague de ma mère ? Savait-elle que l’amie de Rachel allait me faire garder son fils de 17 ans qui se trouvait être dans le même lycée que moi ? Jacob Meads… Non mais sérieux… Jacob Meads… Le garçon aussi populaire pour son physique avantageux que pour sa réputation sulfureuse. Tout le monde savait qu’il consommait de la drogue. Certains disaient même qu’il en vendait aussi. Est-ce que c’était pour ça qu’il n’avait plus le droit de sortir ou de recevoir des amis chez lui ? Je n’avais pas vraiment eu le temps de lui poser la question puisqu’il s’était contenté de me regarder de haut en bas avant de remonter dans sa chambre en claquant la porte. Je n’avais eu qu’une seule trouille : qu’il prenne la fuite par la fenêtre. J’ai bien dû scruter le jardin une trentaine de minutes avant d’essayer de me détendre et d’allumer la télévision. Un quart d’heure avant le retour de sa mère j’étais montée pour essayer d’entendre un semblant d’activité dans sa chambre. La musique tournait toujours et cela m’avait suffit comme preuve. Et puis j’étais rentrée chez moi avec mon billet dans la poche et des milliards de questions en tête.

En arrivant au lycée je cherchai immédiatement dans le couloir ma meilleure amie Kate. S’il y en a bien une qui savait tout sur tout le monde c’était elle. Et lorsque je lui expliquerais ce que j’ai vécu samedi, nul doute qu’elle saura me renseigner. Mais aucune Kate en vue ce matin. Je regardai l’heure sur ma montre et constata sans appel que j’étais bien en avance et que par conséquent elle ne débarquerait pas avant dix bonnes minutes. Au moins j’aurais le temps de déposer mes livres dans mon casier. C’est en marchant vers celui-ci que je sentis une main m’agripper et une voix me menacer. Jacob était en face de moi, le regard noir et menaçant. Menaçant, c’étai bel et bien le mot puisque ce dernier semblait vouloir me prévenir que toute tentative de ragots se terminerait mal. « Bonjour ne fait donc pas parti de ton vocabulaire. Tout s’explique ! » répondis-je en faisant référence à son manque de politesse récurent. « Et que tu viennes me voir au lycée alors qu’on ne s’est jamais parlé avant c’est pas suspect par hasard ? » Parce que question discrétion, me menacer devant les élèves en plein milieu du hall, ce n’était pas l’idée du siècle. « Tu pourrais me lâcher s’il te plait ? » dis-je en me décalant pour ôter la pression de ses doigts sur mon épaule.

— @aspen wilson & @jacob meads
Si Aspen semblait douce, chétive et craintive, visiblement ce n’était qu’une apparence. Elle me corrigea sur mon impolitesse, là où bon nombre d’autres filles de notre âge aurait juste baisser les yeux et accepter ce que j’ordonnais. Face à Aspen, je ne rencontrais pas ce cas de figure auquel j’étais habitué. J’avais pour habitude de me faire obéir de la plupart des lycéens sous peine de vengeance lourde. Je semais la terreur et j’en étais plutôt satisfait : c’était une façon pour moi de me protéger, de ne pas laisser les autres me connaître, trouver ma faiblesse pour mieux me blesser. Je préférais blesser que de l’être ; le rôle était plus cruel, l’acteur moins apprécié, certes, mais il en allait de mon propre bien. Je me contentais de lever les yeux au ciel en soupirant. J’étais là pour un but précis, pas pour faire la conversation ou tergiverser. Toutefois conscient qu’elle ne me lâcherait pas la grappe sur le chapitre des courbettes et des flonflons appelés « politesse », je lâchais un vague « Bonjour », en espérant qu’ensuite, les négociations soient plus aisées. Hélas, quelle erreur ! Aspen enfonça le clou, en me clouant le bec avec une répartie que je ne lui connaissais pas. Au fond, je ne la connaissais pas. Je l’avais croisé, nous partagions un cours ou deux mais nous n’avions jamais échangés le moindre mot avant samedi soir et l’idée folle de ma mère d’en faire ma baby-sitter.

« Ne dis rien à personne », reprenais-je, moins menaçant mais toujours agressif. C’était déjà suffisamment honteux pour moi que ma mère me conduise et vienne me chercher au lycée – ou envoie un de ses sbires le faire – pour en rajouter. Ma réputation serait terminée si cela venait à se savoir qu’en plus d’être puni de sorties, j’étais gardé. Je soupirais. Déjà que mes amis me chambraient car je ne venais plus en soirées et ne les rejoignais plus en journée, hors du lycée… Je n’en supporterais pas davantage. « Et la prochaine fois que ma mère t’appelle, ignore, ok ? ». Regard droit dans ses yeux. Je savais que ma mère la rappellerait probablement et cette idée me rendait malade. Toute façon, je finirais par faire craquer Aspen à un point qu’elle tremblerait à la simple vue du numéro de ma mère sur son téléphone ; elle ne ferait pas long feu en tant que baby-sitter. C’était définitif. Cela ne pouvait pas en être autrement.

La voiture est un peu secouée lorsque la mère de Kate écrase la pédale de frein avec sa sandalette, elle lui demande pardon en faisant une grimace d’embarras mais c’est vraiment pas grave se dit l’adolescente qui secoue la tête pour la rassurer, elle replace quand même quelques mèches de ses cheveux longs et ondulés derrière son épaule.
« Tu es vraiment très belle aujourd’hui, tu devrais mettre des robes plus souvent. »
Kate fronce un peu les sourcils et sourit en se mettant à dévisager sa mère. Pourquoi elle lui fait un compliment alors qu’elle a conscience que l’adolescente déteste ça ?
« Allez file ! »
Peu importe, elle lui fait pas la remarque et elle accepte le compliment au passage, pourquoi pas ? Elle lui dit au revoir avant de claquer la portière de la bagnole et elle tire sur sa robe pour cacher un peu plus ses cuisses pâlottes. Si elle se dépêche elle va pouvoir vider son sac dans son casier, rejoindre sa meilleure amie au sien et la traînée jusqu’au distributeur pour acheter un casse croûte pour la pause de tout à l’heure.
Un pas devant l’autre, elle se presse et double quelques troupeaux de lycéens pas motivés, elle s’excuse quand elle en bouscule un et elle s’arme d’un sourire pour que ça passe mieux.
« T’inquiète » qu’on lui dit avant de se retourner, elle continue de sourire en traçant son chemin jusqu’aux portes battantes de l’école et la chaleur des radiateurs à l’intérieur lui monte aussitôt aux joues, sa peau vire au rose très léger, même sur le bout de son nez.
Y’a personne au distributeur, est-ce qu’elle y va maintenant sans Aspen ou est-ce qu’elle prend le risque de repasser plus tard, sachant que quelqu’un va sûrement acheter la barre de chocolat qu’elle veut absolument depuis vendredi après-midi, y’a qu’ici qu’elle en trouve. Oh et puis tant pis, Kate va à la machine et tape le code de l’encas puis, glisse un billet dans la bouche du distributeur énorme. C’est officiel maintenant : la journée commence. L’adolescente se penche un peu en tenant sa robe à l’arrière par réflexe et elle récupère son casse croute au chocolat et aux amandes douces.
Pas le temps de tergiverser, dès qu’elle tourne la tête elle remarque qu’au bout du couloir il y a la silhouette élancée de son humain préféré avec... L’expression sur le visage de Kate change tout de suite, elle se décale pour mieux voir mais, pas de doute, c’est Jacob qui l’agrippe à son casier. L’adolescente n’est pas certaine de comprendre la scène qu’elle regarde mais c’est plus fort qu’elle, elle regarde.

Spoiler:

— @aspen wilson & @jacob meads & @kate reynolds
Je pensais que voir Kate et être au lycée me ferait oublier cette soirée si étrange qu’avait été celle de samedi mais c’était sans penser que Jacob ne louperait pas les cours aujourd’hui. J’avais été surprise qu’il s’adresse à moi, mais probablement encore plus qu’il soit présent dans l’enceinte de l’établissement. Je pouvais deviner à son attitude et ses soupirs que je l’exaspérais. Autant qu’il me tapait sur le système ? Je l’imaginais. Il semblait vouloir me rendre responsable de sa garde et de son comportement. Je n’avais fait que me présenter à son domicile et récupérer ma paie lorsque sa mère était rentrée. Qu’il se sente émasculé n’était pas mon problème. J’haussais les épaules lorsqu’il se répéta. A qui voulait-il que j’en parle ? Je n’avais qu’une seule amie ici : Kate. Et si j’avais prévu de lui en parler dès le dimanche, je m’étonnai de ne pas avoir composer son numéro comme prévu. Trop altruiste, j’avais soupçonné que le brun ne désirerait pas que cet épisode fasse le tour de l’école dès le lundi matin. Je regrettais déjà que ce ne soit pas le cas avec son comportement si rustre envers moi depuis qu’on s’était rencontrés. J’ouvris mon casier pour déposer mes livres, tout en prenant soin de l’ignorer. Il me fallait énormément de détermination pour le faire. Mais il était hors de question que je me fasse remarquer en sa présence. Aucune envie qu’on commence à me prêter des activités illicites comme le disait l’ensemble des rumeurs à son sujet. Cette fois ce fût à mon tour de lever les yeux au ciel quand il me conseilla (ou plutôt me menaça une nouvelle fois) de ne pas répondre à la prochaine proposition de baby-sitting de sa mère. « Je ferais ce que je veux. » lâchais-je en même temps que la porte de mon casier claqua. « A moins que tu ne préfères que ta mère demande à un autre élève du lycée de venir te garder ? » Je penchai ma tête sur le côté, interrogative. Se pouvait-il qu’il soit stupide au point de penser que sa mère s’arrêterait à mon refus ? Déterminée comme elle l’était le soir où j’étais venue, j’en doutais énormément. « Pour un garçon qui souhaite que ça ne s’ébruite pas tu n’es vraiment pas très futé… » C’était décidé, je détestais ce Jacob Meads. Je ne voyais vraiment pas ce que les filles pouvaient lui trouver. Parce qu’à part sa jolie gueule il était tout sauf une lumière…

— @aspen wilson & @jacob meads & @kate reynolds
Elle me résistait et c’était insupportable. Comment avait-elle pu prendre autant la confiance en ne venant qu’une fois chez moi ? Ce n’était pas possible autrement qu’elle m’affronte de la sorte ; elle se pensait supérieure parce qu’elle avait un dossier sur moi, qu’elle avait vu mon environnement mais ça n’allait pas durer. Je n’hésiterais pas à la démolir moralement s’il le fallait. Il était hors de question que tout cela se sache. Je serrais le poing. Ma mère ne connaissait pas d’autres mères de lycéen(nes) que la sienne ; c’était impossible qu’elle fasse appelle à un autre de mes camarades. A la rigueur, des étudiants de faculté mais même ça, c’était impensable : cela ruinerait ma réputation avant même de mettre le moindre orteil à l’université… si je réussissais mon diplôme. Ce qui était mal barré, actuellement, il fallait être lucide et l’admettre. « Je t’emmerde » lâchais-je, agacé par les grands airs qu’Aspen se donnait. Ou que je ne lui connaissais pas auparavant, elle, si discrète et docile en classe. Je serrais la mâchoire, agacé. Elle était en train de me mettre à bout et ça n’était clairement pas le moment. Mon organisme manquait cruellement de substances et le manque me rendait fébrile. Je savais que, d’une seconde à l’autre, je pouvais aisément disjoncter et me conduire mal, très mal. Ma mère, infirmière, aurait du savoir que la privation complète n’était pas une bonne idée pour quelqu’un de dépendant mais soit. Elle avait visiblement oublier sa raison pour m’infliger cela. Le manque. Cette nuit, je n’avais pas dormi. J’avais sué à grosses gouttes, me retournant dans tous les sens. Je rêvais d’un joint, d’un verre, de n’importe quoi pour me soulager. C’était tel que des douleurs naissaient dans mes membres, me faisant un mal de chien. Si une bonne poignée de médicaments pour les maux de tête me soulageait légèrement, je savais que l’effet ne durait pas. Tout comme mon self contrôle face à une nana aussi détestable et arrogante qu’elle. Je tournais la tête, vérifiant ici et là : personne ne prêtait attention à nous. Quoi que. Kate Reynolds. Elle et Aspen, c’était digne de Tic et Tac. Putain. C’était certain qu’elle lui en avait parlé. J’en étais convaincu. « T’en as parlé à la grosse ? », demandais-je, accompagnant ma question d’un geste de la tête en direction de Kate, près du distributeur à confiseries. « P’tain, j’en suis sûre » marmonnais-je pour moi-même, dépité.

— @aspen wilson & @jacob meads & @kate reynolds
Jamais en arrivant ce matin là, je n’aurais pu imaginer que Jacob Meads viendrait à ma rencontre pour m’intimider. Et pour être tout à fait honnête, si le garder samedi soir m‘avait paru aussi étrange que désagréable, je n’avais pas vraiment eu l’occasion de discuter avec lui. Il n’en avait pas fait l’effort et je ne m’étais pas non plus aventurée. Sa mère était tout à fait charmante et sociable mais lui c’était une autre paire de manche. Je m’étais d’ailleurs surprise à essayer de comprendre comment un garçon comme lui avait pu aussi mal tourner alors que sa mère n’avait rien d’une horrible marâtre insupportable. Toujours est-il qu’au vu de son comportement du week-end, je ne pensais pas être confrontée à lui aujourd’hui. Ma tentative pour l’ignorer et préserver ma réputation ne faisait visiblement pas ses preuves alors qu’il restait planté à mes côtés, visiblement prêt à en découdre. « La grosse ? » Je me tournais vers lui et fronçais les sourcils à l’entente de pareille insulte. Son regard en direction du distributeur à confiserie répondit à ma question. Il parait de Kate. Ma meilleure amie Kate. La personne la plus gentille et serviable qu’il m’ait été donné de rencontrer. « Tu es vraiment détestable ! » soufflais-je agacée. Qu’il me déteste et se montre désagréable avec moi était une chose, qu’il s’en prenne à ma meilleure amie en était une autre. Je pointais mon doigt en sa direction, très énervée avant de lui répondre : « Tu sais quoi ? J’aurais dû le faire ! J’aurais dû lui dire. » C’était tout ce qu’ill méritait de toutes façons. Je ne vois pas pourquoi j’avais préservé ce secret. Son secret. J’allais de nouveau argumenter pour lui prouver à quel point il était un imbécile fini quand une voix derrière moi me fit sursauter. « Oh Kate ! » déclarais-je aussi surprise que mal à l’aise. Qu’avait-elle entendu au juste ? Je connaissais sa curiosité tout comme son pouvoir de persuasion et j’étais prête à parier qu’elle n’allait pas laisser ma conversation avec Jacob mystérieuse bien longtemps.

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