celui qui ne partira pas.Zac avait ôté ses chaussures et remonté son pantalon au-dessous de ses genoux ; il voulait sentir le sable humide craquer sous la plante de ses pieds et les vagues se briser sur ses chevilles, l’eau glacée inondant ses orteils et y laissant son écume mousseuse et éphémère. Il se baissa pour attraper un coquillage, à la blancheur albâtre, qu’il caressa du bout du pouce pour le débarrasser des grains dorés qui en ternissait la beauté, avant de le placer dans la poche de sa veste. Il n’y avait nul part où il se sentait aussi serein que sur les plages de Guernesey, il n’y avait nul part où il se sentait mieux qu’avec
lui ; il jeta un regard en direction de Victor, comme s’il avait pressenti qu’il lui soufflerait quelques mots, comme si son instinct le lui avait secrètement intimé l’ordre, qu’il avait candidement suivi. Son ami partageait ses côtés depuis aussi longtemps qu’il s’en rappelait. Victor balançait ses défauts ; Victor le complétait, et lui-même parfaisait un équilibre qui n’avait jamais été réellement testé.
Il laissa son regard se mêler à celui de Victor, en guise de prélude ; il savait que son ami était, plus que tout, attaché à cette île, peut-être davantage que lui-même. Il savait qu’être né ici définissait son existence. Ses yeux s’aventurèrent un peu plus profondément dans ceux du garçon : il connaissait sa propre histoire, il savait qu’il était né
ailleurs, dans un pays qu’il ne connaissait pas ; il savait que ses origines, dont il ne pouvait se défaire, était en contradiction avec ses prétentions. Zac, comme Victor, se revendiquait un garçon de Guernesey. Victor n’avait jamais eu de raison d’en douter ; Zac, lui, s’était toujours fait rappeler qu’il ne serait jamais un vrai guerneysien, bien qu’il ne s’était jamais laisser convaincre du contraire, malgré tout.
– We’re Guernesey’s boys, répondit-il finalement, rajoutant, dans son regard, qu’il défiait quiconque de clamer le contraire.
Il le suivit et accepta le sandwich qui lui tendait, avant de s’installer à côté de lui. Les plages de Guernesey leur appartenait, à lui et Victor ; elles étaient leur territoire, que personne ne pouvait leur arracher par des mots qui semaient le doute derrière eux. Il posa ses mains derrière lui et se pencha en arrière, se préparant à répondre à son ami, initiant sa réponse par un long soupir, puis par un sourire.
– And me ? …, répéta-t-il.
Everytime I step on a boat, I’m surprised not to hear him shout at me, souffla-t-il en riant, avant d’ajouter :
– It’s just not the same without him, dit-il, et il savait que Victor comprendrait la signification de ses mots.