bad romance.

âge trente-huit (38) ans, t'approches de la quarantaine, t'approche de la crise existentielle aussi. ah nan, c'est vrai que tu baignes déjà en plein dedans. mais on te donne souvent moins. pour te flatter ou par sincérité, mais ça fait plaisir dans les deux cas. naissance et nationalité t'es née ici, à Guernesey. t'es un pur produit local et même si t'es déjà allée visiter la grande île, t'en reviens toujours à tes racines. pour toi, ici, c'est chez toi, c'est la vie. à fortiori t'es donc de nationalité britannique, et tes parents te disaient que vous aviez des origines galloises assez éloignées. mais t'en ai pas certaine non plus. à guernesey depuis toujours, t'es née ici, et tu comptes bien vivre ta vie ici pour y crever. t'espère que le chemin sera doux et fleuri, mais duh, tu vis pas dans un foutu conte de fée et tu l'sais. métier, £££ t'es la pâtissière de la boulangerie du coin. la boulangerie du centre de l'île est assez fameuse et t'es pas peu fière de pouvoir assurer un service de qualité à tes voisins et amis. même si vous êtes pas les mieux lotis en terme de ressources, t'es contente de faire c'que tu fais. bon après on va pas se mentir, ça paye pas des masses. heureusement que ta femme assure. statut civil, orientation t'e mariée à l'amour de ta vie. ou c'est c'que tu pensais jusqu'ici en tout cas. t'as épousé sur votre île ta meilleure amie que tu connais depuis "toujours". tu n'aurais pas imaginé vivre ta vie avec une autre personne. et même si aujourd'hui votre situation semble dans l'impasse, si vous n'arrivez plus à communiquer, que vos relations sont tendues comme un string et que l'intimité tu ne sais plus c'que c'est, tu ne comptes pas l'abandonner pour autant. après tout, t'es l'heureuse mère de deux charmants enfants que tu as porté. ta plus grande fierté dans ce monde c'est d'avoir porté la lumière en toi, et deux fois en plus. bref, tout ça pour dire que tu es homosexuelle, lesbienne, goudou et t'en passes... t'as eu le droit à tout un tas de noms à la con depuis que t'es sortie du placard et que tu t'assumes complètement. pronoms elle, tu, je -dialogues-. faceclaim scarlett johansson, scarjo pour les intimes. personnage pré-lien. crédits we bought a zoo (nouveau départ).

— caractère cynique, sarcastique t'es du genre à te moquer un peu aisément des choses ou des gens qui le méritent selon toi. t'es du genre à voir le verre à moitié plein. t'aimes bien ton petit confort en réalité, même si tu dis à tout le monde que tu pourrais ne vivre que d'amour et d'eau fraiche. t'es une maman poule, et t'aimes pas qu'on te le fasse remarquer. t'es amoureuse de l'amour, t'aimes la vie et t'es une foutue accroc aux sensations simplistes du quotidien, comme un câlin de tes enfants, retrouver un billet dans le fond d'une poche ou encore arriver à changer la chasse d'eau. t'as toujours été manuelle. et puis gourmande aussi. alors pour allier les deux t'es devenue pâtissière. t'étais pas nulle à l'école, mais t'aimais juste pas assez étudier pour réussir. loin d'être bête pourtant, tu savais que tu deviendrais commerçante sur ton île parce que quand t'as une idée en tête tu l'as pas ailleurs. t'es une femme de caractère. maman protectrice, compagne aimante, dans ton cocon familial proche, tu sais pourtant jouer de la diplomatie pour éviter les conflits que tu juges inutiles. en ce moment c'est d'ailleurs un peu ce qui pollue ta vie de couple avec Jolene. mais ça, encore faut-il le reconnaître.

« Charlie, Billie vous allez être en retard à l'école! » tu cries dans l'escalier qui mène aux chambres de l'étage. Il est déjà huit heures passé et tu crains que les monstres n'arrivent encore après la sonnerie. Tu sais qu'après il va encore falloir que t'ailles t'excuser auprès de la vieille de l'entrée pour qu'elle vous ouvre, ne manquant pas de te faire culpabiliser au passage. Tu plonges la main dans la poche de ton long manteau et n'arrive à palper que le vide sidéral. « Love! Tu as vu les clés de la voiture? » "Love", c'est Jolene, ta femme. Du moins en apparence. Ces derniers temps tu ne sais plus vraiment ce que vous êtes. Des colocataires? On ne peut même plus dire que vous êtes amies puisque vous vous parlez à peine au quotidien. Vous maintenez les apparences pour ne pas chambouler les enfants et tu le sais. S'ils n'étaient pas là, tu penses qu'elle t'aurait sans doute déjà quitté. T'aurais souffert. T'aurais pu partir toi aussi. Quitter ce monde tu entends. T'es persuadée que malgré tout ce qui vous arrive, c'est ta raison de vivre. Ton tout. Ton absolu. Et si elle venait à te retirer ça, qu'est-ce qu'il te resterait? Mais bref, là n'est pas la question. Lee te répond d'un air distant, en te demandant si tu as regardé dans tes poches. Ton sang ne fait qu'un tour et tu sens que la joute verbale peut partir à la moindre étincelle. Tu fulmines sans plus répondre et tu trouves en fait les clés dans la poche de sa veste à elle. Tu aurais voulu lui envoyer une pique cinglante, mais les enfants débarquent en courant dans les escaliers et tu dois t'occuper de leur faire enfiler leurs chaussures pour ne pas être d'avantage en retard. Tu jettes un œil à Lee, déçue qu'elle ne daigne même pas te donner un coup de main durant ce coup de feu devenu habituel puis sans plus rien lui dire, tu souris aux enfants et vous sortez de la maison.
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Il est tard, le réveil indique minuit quarante cinq et tu n'es toujours pas endormie. Ta femme te rejoint à peine à l'instant dans le lit sans rien dire. Elle était encore sans doute en train de regarder un programme stupide à la télé, ou peut-être était elle sur instagram en train de regarder des nanas plus jeunes que toi. T'es allongée sur le dos la couverture remontée presque sous le nez, tu fixes le plafond en attendant qu'elle ne daigne dire un mot. Tu attends. Tu attends. Et tu attends encore ce qui ne viendra pas ce soir. Elle lâche finalement un sobre "bonne nuit" du bout des lèvres sans même se retourner pour te faire face comme avant, et tu la sens qui glisse déjà dans le sommeil. Toi tu vas encore passer une nuit courte, trop courte, à réfléchir sur comment vous en êtes arrivées là et pourquoi. Des réponses que tu n'as pas, mais qui te hantent tous les jours et toutes les nuits au point de ne dormir que quelques heures à peine.
Tu aurais besoin de crever l'abcès mais tu le redoute encore plus. Parce que si vous entrez sur ce terrain glissant, tu ne sais pas si votre couple en reviendra entier.