sorry for my resting grinchface.

Look up your window, silly. Message texte envoyé alors qu’il y a le froid qui mord ses joues, les flocons qui se posent contre ses cheveux et son écharpe bien attachée autour du cou. Perché dans l’arbre qu’il n’avait pas escaladé depuis des lustres, il pouvait voir Sofia par la fenêtre et sa tête brune qui se relève de son portable vers lui. Owen ne peux s’en empêcher, il sourit doucement. Parce que ça lui réchauffe toujours un peu l’âme lorsqu’elle pose ses yeux dans les siens. Elle ouvre la fenêtre et enfin, il prend la parole. “Did you think I would forget your birthday ?” C’est moqueur, c’est tellement eux que ça pince. Le musicien était des abonnés absents toute la journée, ne se trouvant ni d’humeur festive, ni la force de participer à des réunions bondées de famille - qu’il n’était plus trop certain qu’ils l’accueilleraient à bras ouverts. Il a un cadeau, il l’a depuis le lendemain de leurs retrouvailles. Il est emballé soigneusement, fourré dans sa poche de manteau. C’est trois fois rien, c’est stupide même, parce que c’est une breloque et qu’il ne sait plus si elle les collectionnes toujours, si elle a toujours ce bracelet qu’il lui avait offert, mais c’est ça. Un truc qui les relie, une petite bicyclette, pour cette rencontre qui aura changé sa vie, vingt-deux ans plus tôt. Elle a tenté de lui montrer comment faire, il est tombé, elle s’est marré and that was it. “Plus, it’s christmas apparently.” Il hausse des épaules, sait qu’elle le comprend et qu’elle n’est pas vexée de sa disparition des dernières heures. Du moins, il l’espère, même si granny s’était sûrement chargée de rassurer la galerie. “Move over.” Owen tente la manoeuvre périlleuse que de franchir le peu de distance entre l’arbre et le rebord de sa fenêtre. C’est qu’ils n’ont plus quinze ans et que la hauteur rend les choses un peu plus compliquées, mais il y arrive - de peine et de misère - se rattrapant in extremis avec le bras de Sofia. Owen rougit immédiatement, puis se détache doucement, gêné. “Hey.” Il n’offre pas grand chose, il ignore même la raison de sa visite, mais ne pouvait tolérer de déroger à la tradition, maintenant qu’il était de retour à Guernsey. Rencontrer la jeune femme, alors que le ving-cinq tire sa révérence pour le vingt-six décembre, date qu’il avait toujours préférer célébrer à l’actuelle fête de Saint-Nicolas.

Le nom s'affiche sur l'écran, et Sofia a le cœur qui vrille. Owen. Lorsqu'elle relève les yeux, il est là, en équilibre derrière le carreau sale de sa chambre d'adolescente. L'image est familière et douce, et il faut un instant à Sofia avant de réagir. L'air froid traverse la pièce alors qu'elle ouvre la fenêtre, et avec lui, l'odeur d'Owen et l'éclat de ses yeux. Sofia étire les lèvres dans un sourire retenu. 'Well, apparently there's this dude, Jesus or something, who's born on the same day and steals the show every year.' Elle bat des paupières et trouve ses yeux et, dieu, qu'il est beau dans l'obscurité de la nuit et la lumière relative des lampadaires plus bas dans la rue. Ça tire entre ses côtes, ses doigts se serrent autour du bois de la fenêtre. Il est là – il est là, debout sur l'arbre qui lie leurs chambres, il est là, les joues rouges du froid qui lui glace les doigts, il est là. Six lonely birthdays, and there you are. Les mots se perdent dans sa gorge, sur ses lèvres – elle a tant de choses à dire mais rien ne vient. Parce qu'il n'était pas là, aujourd'hui. Il manquait à cette attablée immense et bruyante. Il lui a manqué, à elle. Sofia remonte le bras d'un mouvement brusque, prête à rattraper une chute probable. 'Please don't break a bone, I'm too lazy to drive to the hospital tonight.' Elle ricane doucement, et sa peau est glacée contre la sienne alors qu'Owen s'accroche à son bras pour retrouver la vieille moquette de la chambre. 'Hey.' Le mot reste suspendu entre leurs deux silhouettes, soufflé dans le contraste saisissant de l'air chaud de la pièce et celui, glacial, de l'extérieur. Mais elle s'en fout, Sofia, du vent qui s'engouffre et lance des frissons le long de son échine. 'Happy christmas.' Elle relève une main et glisse délicatement ses doigts sur les quelques flocons sur ses cheveux. Le souffle est saccadé, elle ne le réalise que lorsque son bras retombe, et que le silence s'installe. Alors Sofia se râcle la gorge, fait claquer sa langue et plisse les lèvres. Le mouvement vers la fenêtre est trop brusque, elle profite d'une inspiration fraîche avant de refermer le battant. 'You must be freezing.' Elle traverse la pièce pour fermer la porte – l'intimité est nécessaire. La fuite inacceptable. Il est là. Et puis, alors qu'elle fait volte-face, ses yeux détaillent sa silhouette et la courbe de ses épaules et celle de sa mâchoire et elle sourit, Sofia, mais c'est un peu triste et confus parce qu'elle le rêve peut-être, encore ; et puis elle rit, d'un éclat franc qui s'aligne sur ses doigts qui tirent sur le pyjama rouge vif aux motifs de Noël qu'elle porte. 'Yes, I'm wearing Christmas pants and an ugly sweater and stole cookies and hot choc and made a blanket fort. That's the only acceptable way to celebrate your twenty-eighth birthday, am I right?' Elle l'avoue d'une voix tendre, les joues violemment rouges, parce qu'elle perpétue des traditions qu'ils ont établies ensemble, dans une enfance qui n'existe qu'en souvenirs douloureux. 'Ta-da ! Wanna join ?' D'un geste trop dramatique, elle désigne le tas de couvertures et de chaises dans un coin de la pièce, le tout éclairé d'une vieille lampe de chevet et d'une guirlande lumineuse affadie par le temps. This is home, Owen. You're home.

Tout de suite, l’appréhension de sa visite soudaine se dissipe, perché comme ça contre l’arbre de leur enfance, il a l’impression de vivre un souvenir. Mais c’est vrai et c’est eux, et il voit le sourire de Sofia dans la foulée et ça lui fait un bien fou. Il rit doucement, tout en s’accrochant contre le rebord de fenêtre. “What a dick.” Jesus and all of his friends, Owen avait toujours été le plus cynique des deux, même quand ils étaient plus jeunes. C’est elle, qui au final avait changé son regard sur le temps des fêtes; sa mère lui ayant déjà avoué entre deux bouteilles que le père Noël n’existait pas bien avant ses six ans, c’est avec granny, Ada et la famille Valentine que le brun s’était ouvert à cette magie qu’il n’avait tout simplement jamais vraiment connu. Le musicien lance un regard amusé à Sofia, comme s’il n’avait pas brisé la moitié de ses os durant leurs milles aventures, gamin. Un bras, un orteil et une cote, s’il comptait bien. But boy did we have fun, it didn’t even hurt that much cause you were there. Holding my hand and endlessly apologizing, promising I could borrow your favorite teddy bear. Il s’appuie sur la jeune femme afin de pallier à son équilibre, mais ne se détache pas. Elle lui souhaite joyeux Noël, mais tout ce qu’il ressent, c’est ses doigts contre ses cheveux et la chaleur qui part de son myocarde pour réchauffer ses mains, son visage. “You too.” C’est dit doucement, alors qu’il prend conscience de son environnement, de la brunette et de son accoutrement, de la petite faussette au coin de sa joue, quand elle sourit. Le vent frais fait du bien, parce qu’il a le vertige pendant un instant. Ils reprennent leurs esprits, de l’oxygène aussi et Owen enlève son écharpe, puis son manteau, le temps que Sofia referme la fenêtre derrière lui. “Nah, it’s fine. But is it me or is it higher than I remember ?” La chute semblait plus dangereuse qu’autrefois, mais peut-être que ce n’était que lui et son manque de capacité en gymnastique. Le rire de Sofia illumine le visage du jeune homme et c’est avec un air moqueur qu’il décrète officiellement she is the cutest little christmassy thing. Always has been. “ ‘course it is.” Il avait l’habitude de voler les marshmallows de son chocolat chaud ou de s’inventer une moustache avec la mousse - avant que sa pilosité bien que tardive ne s’en occupe. Il découvre tout comme si c’était la première fois, ses yeux balaient la pièce et un petit rire incontrôlable le prend, en observant le fort de couvertures. “Wow, I can’t believe it’s holding on.” Comme un gamin, il se moque. Parce que pendant longtemps ils l’ont fait à deux et que ça leur aura pris quelques années ainsi que quelques affaissements de couvertures afin de perfectionner la technique. C’est beau, c’est familier et ça pince le coeur, mais ça lui fait un bien fou et Owen décide de bloquer tout le reste. Faire pause sur ce qui est douloureux. “After you.” Bonnes manières ou assurance qu’elle n’a pas peur d’y entrer sans que le ciel leur tombe sur la tête. Owen la suit et ils font le contraste, tous les deux. Elle, habillée de rouge, de blanc et d’everything in between et lui, confortable, mais vêtu de noir. Il avait bien un ugly christmas sweater qu’il avait essayé, alors qu’il débatait encore se rendre au dîner des Valentines, mais il avait vite changer d’idée en réalisant que le slogan ‘Drink up, grinches’ d’inscrit sur son torse ne passerait pas le jugement familial. Ils sont allongés l’un à côté de l’autre, leurs têtes se touchent presque. Les lumières faibles sont chaudes pour lui, le côté de son corps proche de Sofia est en flamme et finalement, il pousse un soupire d’aise. It finally does feel like home. “I take it back, it’s very comfy. Might just be the best one you ever made.” Sans se retourner, il sent le regard de jugement que Sofia lui lance et il enchaine, afin de prouver son point. “Remember that time we thought candles would be a great idea ? And the bucket of water you threw in my face while trying to put the fire out before your mum found out?” Owen se retourne un peu pour lui faire face, sourire en coin sur le bord des lippes. “Me neither.” Cause they swore secrecy and he’s not about to break another promise.

It's real. Les contours de sa silhouettes se découpent dans les rayons des lumières de l'extérieur et c'est réel. Owen est là – elle a senti sa peau sur la sienne, et entendu la mélodie douce de son rire. Noël a perdu un peu d'éclat lorsque Sofia l'a perdu, lui. Tout le reste, aussi, s'est affadi de son absence. Mais il est là, il est là, il est là. De ses yeux bleus qui la transpercent et font brûler ses joues. Sofia tapote le haut de son crâne avec douceur, échappe un rire doux. 'It's you – the tree's the same height, but you're not.' Elle se rappelle l'appréhension de la première traversée, puis l'assurance des suivantes. Elle s'est écorchée mille fois les mains sur l'écorce du vieux chêne pour le rejoindre de l'autre côté – douce ironie, parce qu'elle s'est aussi écorché mille fois le cœur pour le rejoindre alors qu'il lui échappait. Mais les griffures ne sont pas les mêmes. Les premières ont disparu avec le temps, les autres sont encore là, ravivées par son odeur qui s'infiltre entre les particules de poussières. Elle a appris à faire sans lui, Sofia. Elle a essayé, au moins. Pour appréhender le contact au sol de cette chute interminable. Et il est là, le choc violent – il se tient devant elle, les joues rouges du froid et les yeux brillants d'un on-ne-sait-quoi qui fait du bien. Il est là, le choc violent, parce qu'elle a essayé de faire sans lui – et elle a cru, elle a vraiment cru, l'avoir fait. Mais il est là, Owen, et avec lui reviennent les certitudes qu'elle ne peut pas, faire sans lui. Tout est bancale. Les battements de son cœur, l'équilibre de ses genoux, le fort qui retient les souvenirs qu'elle a voulu garder vivants, juste un soir de plus. Sofia cogne le poing sur l'épaule d'Owen, offensée. 'Hey. Do not make fun of my fort, it's beautiful. Plus, it's what's inside that matters. And there are cookies in there, so…' D'un mouvement dramatique, elle fait volte-face, la masse de ses cheveux noirs suit le geste et s'échouent sur ses épaules. Bien sûr, qu'il tient debout. En dépit de ces deux bras qui lui manquaient. Comme elle, comme elle, le fort tient, à peine, mais tient tout de même. Elle se glisse la première sur le tas de couvertures et de coussins, croise les bras sur son ventre. Ses yeux fixent un point invisible sur le toit de leur cabane de fortune. Owen suit – et son parfum lui coupe le souffle, se répand, partout, partout. Il y a sa peau qui frôle la sienne dans une brûlure vive. Il y a leurs respirations qui s'alignent, les mouvements de sa poitrine qu'elle observe du coin de l’œil. 'Of course it is,' elle souffle d'un froncement de sourcils. Mais Owen poursuit, coupe les justifications qu'elle retient et Sofia étouffe un éclat de rire de ses paumes plaquées sur son visage. Elle se souvient de la panique qui l'avait prise à la poitrine alors que la couverture s'enflammait, ses paumes moites, les cris des enfants qu'ils étaient. Ses yeux trouvent les siens. Il y a un moment qui flotte, alors qu'elle se perd dans le bleu dont elle ne reconnaît pas toutes les teintes. Who are you now, Owen ? Le sourire lui fend les lèvres, la proximité de son visage l'oblige à retenir sa respiration un instant. 'I have no idea what you're talking about.' Parce qu'il y a la promesse de leurs petits doigts emmêlés, quinze ans plus tôt. Celle de ne rien dire, jamais, à personne. La nostalgie s'échoue sur ses bronches dans un soupir long et discret. Sofia détourne ses iris de celles d'Owen parce qu'elles rappellent mille promesses brisées. 'I feel like all of that happened a hundred years ago, and last week at the same time.' Le temps s'est suspendu au moment où elle l'a vu, penché au-dessus du pallier de la maison de Granny. Depuis, il n'y a plus rien qui fait sens. 'It was weird, Christmas without you.' Elle serre les paupières, se rappellent des six autres passés sans lui. 'I mean, knowing you were there but not with us.' Dans sa poitrine, son coeur s'emballe doucement. 'I don't blame you at all. I can imagine how hard it was for you. It's alright, okay ?' Parce qu'elle sait que sa tête étouffe sous les regrets, les doutes, les angoisses éternelles. 'I'm happy you're here now. In my beautiful, nice-smelling blanket fort. It always feels empty when there's only one person inside.' When it's only me, without you. I'm always lonely, without you.

Elle cogne son épaule, il feint la douleur, comme un schéma déjà vu et pourtant important. Sofia le distrait immédiatement d’une autre boutade qu’il était sur le point de lancer, pour quelque chose de primordial. “What kind ?” Les biscuits, of course. C’est qu’il n’était pas souvent convaincu par son estomac, Owen, mais que les biscuits avaient toujours eu cette faiblesse sur lui. S’installer dans le blanket fort lui donne un goût doux-amer, de souvenirs mélangés à l’étrange douleur du manque. Ça fait trop longtemps, mais le rire bon enfant de Sofia lui redonne ce dont il a besoin. La chaleur l’envahi et enfin, il se sent mieux, Owen. “That’s because we’re getting old, Ace.” Le regard est taquin, alors qu’il l’imite et détourne le regard, se trouve un point fixe alors qu’il se rend compte que doucement, sa respiration se calque sur la sienne, comme toujours.

Il y a de ces souvenirs qui sont indélébiles dans son esprit, des moments passés sous le couvert d’un fort de couverture, des moments juste pour eux. “Sofia, turn it off.” Elle avait cette caméra de braquée sur lui, alors qu’il jouait -tentait de jouer- de la guitare. Les accords étaient approximatifs, mais l’émotion réelle. Il fausse la note alors que l’objectif de la caméra manque de l’assommer et il y a le regard hilare de Sofia en arrière. “No way ! I want everyone to see my boyfriend before he becomes Owen Aldersley, world famous musician.” Owen flanche, grimace, parce que cette vision lui donne le tourni. Il est pas fait pour être célèbre, juste vivre de sa musique lui serait suffisant. Le musicien se ravise, prenant la main de sa petite amie, délaissant l’instrument pour accueillir la jeune femme dans ses bras, à travers les inombrables couvertures. Il dépose un baiser, puis deux et trois, sur son nez, contre sa joue, sur ses lèvres. “Well, if I do, it’ll be because you’re my pretty pretty muse.” Elle était bien plus, sur tous les plans, mais à cet instant précis, il était heureux, Owen. Il resserre son emprise contre le corps chaud de Sofia, incapable de lui offrir autre chose qu’un sourire niais. “Now I’ll turn off that camera only so I can ravage you.” Et il l’avait renversé sur le dos, making good on her promise really, alors que la caméra se refermait dans un bruit sourd, derrière leurs rires insouciants.

Sofia le tire de ses pensées, alors qu’Owen s’appuie sur le côté afin de pouvoir la regarder. Il sait, et comprend, et il sait qu’elle comprend aussi, mais ça lui reste difficile de manoeuvrer entre ce qu’il devrait faire, doit faire, a envie de faire. “I know.” C’est soufflé, puis un mince sourire retrouve ses lippes lorsqu’elle l’excuse. Elle est mignonne, parce qu’ils savent tous les deux qu’il se fait du mauvais sang de toute manière. Il aurait voulu festoyer avec les Valentine, avec granny et Ada, mais dans sa mélancolie et dans l’espoir de ne pas ruiner l’humeur générale du groupe, il préférait s’abstenir. Ça et les trop nombreuses questions auxquelles il n’avait soit pas réponse, ou aucune envie de le faire. “I wasn’t sure I could do it, but then.” But then, il lui semblait intolérable de ne pas la voir elle. De passer un Noël de plus sans rire avec celle qui arguably was the most important. “I remembered how much fun christmases were with you.” Il s’appuie la tête contre sa main, observe le profil de Sofia, doucement. Ils ont changé, mais pas tant que ça. What made them happy, still made them happy after all. “I am happy to be here too.” Owen se relève un peu, difficilement, et en position assise se met à enquêter du regard. “I might actually have a gift for you, but first.. cookies.” How to tease a teaser, that is. Et puis, le père Noël avait toujours le droit à son biscuit, non ?

L'air est lourd, chaud sous les couvertures épaisses. La proximité est difficile à supporter, parce que les mains de Sofia réclament celles d'Owen, dans un mouvement qu'elle retient violemment. Leurs regards se décroisent et tout fait rage dans leurs iris – les souvenirs, les sentiments, tout ce qu'ils ont abandonné sur l'asphalte six ans plus tôt. I called, I called and you never answered. L'inspiration est longue, les joues un peu rouges, et Sofia croise les mains sur son ventre. 'White chocolate chips.' Du coin de l’œil, elle guette la réaction – un sourire qui s'étire, un éclat sur le visage. Mais Owen a changé. Il a les traits creusés par le manque, la peau marquée par les addictions, et ça lui pince le cœur, alors Sofia serre les paupières. Ses dents accrochent lourdement l'intérieur de sa joue. Le sourire est vague, plein d'amertume et de nostalgie. We were supposed to grow old together. La promesse a toujours été là, silencieuse sous leurs côtes. Jusqu'à ce qu'elle ne soit plus. Sofia laisse ses doigts s'acharner sur la couture de son pull. Elle a le souffle agité et les souvenirs qui remontent, se répandent partout, partout, partout. Dans les odeurs, les textures. Le trou recousu sur le drap rouge étendu au-dessus de leurs visages, ce plaid patchwork qui recouvre le sol, le son étouffé de son rire, léger, pris au piège dans les tissus. Elle rouvre les paupières, les yeux fixes sur les couvertures. Les mouvements d'Owen se répercutent en mille ondes contre sa peau, ses yeux percent son profil, brûlent ses pommettes. 'Everything is fun, with me.' La brune roule doucement des yeux, trouve les siens – l'air s'arrête dans sa gorge. En dépit de la fatigue, de cette tristesse cruelle qui lui plie le front, il est toujours beau, toujours, toujours. Elle voudrait tendre la main et délier les rides aux coins de ses yeux, passer les doigts sur la courbe de ses lèvres. Le trouver, le retrouver, dans ce corps qui semble si loin de celui qu'elle a aimé. Where are you, my love ? Owen se relève, et elle sait, elle sait qu'il appuie le mot avec précision. Gift. Elle se redresse, un peu trop brusque, lèvres entr'ouvertes sur un cri enfantin qui se fait silencieux. 'No !' Ses doigts s'enroulent autour de son poignet, la pression est tendre et sa peau chaude sous la sienne – elle retire sa main presque aussitôt, bat des paupières pour reprendre constance dans ce monde minuscule qui vacille. 'You can't do that to me and you know it. It's unfair.' Sofia plie les lèvres dans une moue qu'il connaît bien. Celui de cette gamine qui grattait le coin des paquets pour s'assurer que le cadeau était bien choisi – prise d'une impatience qu'elle ne maîtrise toujours pas. 'Come on, come on, come on, please.' Elle relève les paupières, les yeux brillants parce qu'il ne peut pas résister. Il ne pouvait pas résister, autrefois. 'Alright, wait, I'll give you yours first. I'm a grown-up now. I can handle the wait.' Le soupir est long, et elle se tire difficilement hors du fort. L'air est froid, trop froid, hors du confort de leur refuge. Le parquet dur sous ses chaussettes. Dans le chaos des étagères, elle trouve le petit paquet emballé maladroitement, esquisse un sourire doux et s'accroupit devant la cabane. Il y a une inspiration nécessaire, pour garder un peu de cet air neutre de l'extérieur avant de retrouver celui qu'ils partagent. Sofia se glisse entre les draps avec précaution, ses genoux trouvent l'épaisseur des couvertures et son visage à lui, près, si près, trop près. Le moment se suspend, dans leurs souffles qui se mêlent. La proximité est brutale, le cœur s'arrache à sa poitrine et se balance sous ses côtes, alors que ses yeux glissent de ceux d'Owen à ses lèvres. Sofia redresse l'échine, se racle la gorge, s'assoit en tailleur en face de lui. Breathe. L'air peine à trouver son chemin, alors elle tend simplement le paquet de ses mains un peu tremblantes. Sous le papier, il y a eux. Une vieille photo retrouvée dans ses affaires abandonnées avant leur départ pour Londres. Leurs petites silhouettes assises sur l'escalier de la maison de Valentine, quelques minutes avant la première rentrée d'Owen à l'école de l'île. Les sourires sont grands, le souvenir un peu flou. 'I found it when I was going through my stuff a few days ago. I forgot it existed, I thought you'd like it.' Elle se tord les doigts d'une appréhension absurde. 'You don't have to keep it in the frame, though. I just… It was nicer this way, I didn't want to just, like, throw the picture at you. The unwrapping part is important too.' Le rire est léger, suivi d'une inspiration silencieuse. Les yeux restent solennels, alors qu'elle tend la main vers Owen. 'Now, mine.' Mais dans ses iris, il peut lire tout ce qu'elle retient. S'il la connaît encore – s'il ne l'a pas oubliée.