Invité Invité ![marcher Empty](https://2img.net/i/fa/empty.gif) | | |
| Repeindre des vieux bâtiments désaffectés, voilà la meilleure mission que tu aies trouvée. Il y avait mieux, mais il y avait surtout pire. T'es content de pouvoir faire ça, même si tu t'en caches. Même si c'est dur d'admettre que tu gravis désormais les échelons non pas pour atteindre la première place, mais pour être en mesure de repeindre ce petit pan de mur tout en haut. Tu passes tes journées à lever et baisser le bras, rouleau à la main. Du blanc, partout. Même ton bleu de travail se fait éclabousser. Baskets nouées aux chevilles, t-shirt usé par les utilisations et plus aussi immaculé qu'avant. Tu ressembles vraiment à ces hommes à tout faire qui ont les mains prêtes à plonger dans la fange n'importe quand, sueur au front. Les riches ne travaillent pas il paraît, et tu ne fais plus partie de cette élite-là. L'effort, le labeur, les longs soupirs. Voilà ton quotidien à présent. Enfant qui réapprend à marcher de lui-même. Matin. Tu déposes le pinceau en équilibre au-dessus du bac, essuyant la pellicule de transpiration qui goutte de ta nuque. T'es loin d'avoir fini, d'autant que tu es seul à t'affairer sur les briques de cet entrepôt en bord de mer. Tu laisses les affaires là, ne voyant pas qui irait piquer un escabeau et quelques pots de peinture bien entamés. Surtout sur cette île où la criminalité frôle le zéro. T'as encore ton instinct de New Yorkais où tes sens se doivent d'être en éveil à chaque instant, où tout est rapide, effréné, et où les choses ne s'arrêtent jamais. Un regard sur ton téléphone te fait savoir qu'il est l'heure de ta pause café, et t'abandonnes tout pour remonter le chemin jusqu'à la première enseigne qui sert la boisson. Tu entres, la clochette tinte joyeusement, des yeux se lèvent vers toi une fraction de secondes, et tu redeviens anonyme. Ici personne ne connaît Lion Fitzgerald l'acteur. Ton nom n'est sur aucune lèvre, dans aucune mémoire, dans aucun regard. Si du temps où tu étais sur scène cette pensée aurait pu t'agacer, aujourd'hui tu dois bien reconnaître qu'il s'agit de ton plus grand soulagement. Être un parfait inconnu sans nom, sans histoire, sans rumeur, sans réputation, sans promesse à faire tenir. Installé au comptoir, talons surélevés sur le repose-pieds, tu passes commande pour un cappuccino bien garni. Puis tu te poses au-dessus du mobile, le pouce qui fait défiler le feed, indélogeable addictif aux réseaux sociaux. |
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