the opening act of spring (louise)

La porte claque sur le silence. La maison est vide – et Sofia se tient dans l'entrée. Elle vacille contre le meuble, défait ses chaussures. Le soupir est muet, se répand lentement le long du couloir. Elle a besoin de réconfort des murs sans étouffer sous les regards. Home. Les rires imprimés dans les tapis et les souvenirs qui se distille à chaque coin. Son cœur s'arrête sur les photographies, le chaos d'une famille jamais trop grande. Et, au creux de son ventre, un autre. Sofia serre les paupières. Elle a un poids tenace sous ses côtes. Une peur qui ne se dissipe pas – qui prend le sommeil et les heures du jour, et tout, tout, tout. Le secret est gardé entre une adolescente aux yeux clairs et elle. Sofia évite les confrontations. Ils sauront, très vite, trop vite. Sa mère, son père. Ses sœurs. Le carrelage de la cuisine est froid sous ses talons ; elle se redresse trop vite contre la porte. 'Putain !' Dans le halo de la fenêtre, elle reconnaît Louise ; ses cheveux bruns en cascade, l'élégance de son profil. Elle ne devrait pas être là. 'Tu m'as fait peur.' Elle signe, puis place une main sur sa poitrine. Le frisson est brutal, et Sofia veut faire demi-tour. Prétendre, excuser, fuir l'inévitable. Parce qu'elle est trop lâche et les erreurs trop grandes. Mais elle ne peut pas. Alors elle se hisse sur le comptoir, la désinvolture forcée, évidente. 'Qu'est-ce que tu fais là ?' Dans le contre-jour, elle espère que l'ombre dissimule l'angoisse qui hurlent dans le noir de ses iris. Elle retient sa main se presser son ventre, le mécanisme déjà ancré dans ses muscles. Aplatir, oublier. Elle ne peut pas. 'Je pensais qu'il y aurait personne.' Elle balance les pieds au-dessus du vide. Le souffle coupé dans sa gorge.

difficile d'imaginer il y a quelques années encore qu'elle aimerait toujours autant abandonner son grand studio tout lumineux sur le port pour revenir fouler le sol de sa maison d'enfance. louise en connaissait les moindres recoins, aînée de sa fratrie et exemple de ses sœurs de cœur. quelque part, malgré la surdité, elle pouvait entendre la joie de son enfance, en compagnie de toutes ces dernières. désormais, chacun vit sa vie à travers l'île, et louise ne fait pas exception aux remontrances de ses parents sur la fameuse visite, toujours invitée pour le café. bientôt, promis, répondait-elle à chaque fois. mais comme d'habitude, c'est le boulot qui amena louise en ces lieux, et dénués de compagnie, par dessus le marché. fouillant dans le bureau de sa mère à la recherche d'un carnet de note contenant diverses adresses et numéros, elle l'avait prévenue qu'elle et son père seraient absents pour la journée... je dois vraiment leur rendre visite plus souvent, se persuada-t'elle. traversant les pièces une par une vers la sortie, son carnet en main, elle tomba nez à nez avec sofia. les yeux écarquillés, elle signa en retour. j'allais te dire la même chose. louise s'approcha d'elle lentement, gardant ses distances. elle n'avait pas prévue de la rencontrer de sitôt, et encore moins ici. elle agita le carnet en l'air, avant de le garder sous le coude. je suis venue récupérer ça. pour le boulot. toi, pourquoi tu es ici ? louise agita les mains doucement, ses grands yeux noirs rivés sur les traits de visage de sa sœur.