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| Le soleil ne brillait pas dans le ciel ce jour-là mais tu n'étais pas maussade pour autant. La grisaille avait ce petit côté intimiste qui te donnait généralement envie de te retrouver en tête à tête avec toi-même, une bonne tasse de thé et un bon roman. Ce serait sans doute le planning de ta fin de journée mais pour l'heure, il fallait que tu continues de tenir la boutique. Cet endroit était ta petite fierté. Tu avais du mal à croire le chemin que tu avais fait avec la pâtisserie depuis que tu étais arrivée sur l'île il y a deux ans. Tu avais réussi à te faire une clientèle et tu fonctionnais à un rythme de croisière plus que satisfaisant. Tu avais même pu embaucher deux personnes pour t'aider avec la vente, de quoi avoir un peu de temps pour toi et pour écrire. Tu attendais le retour de la maison d'édition sur le manuscrit du deuxième tome et tu attaquais déjà le troisième. C'était comme si tu ne pouvais pas t'arrêter. Si tu arrêtais d'écrire, tu mourrais. Tu étais passée si près de la mort que cette idée t'était tout bonnement insupportable. Tu étais venue ici pour vivre, même si ton existence devait être un mensonge. La clochette teinta et tu levas les yeux, collant aussitôt un sourire sur ton visage. « Bonjour, Monsieur. » Tu avais réussi à perfectionner ton accent avec le temps mais certains clients t'avaient affirmé que ton petit accent français te rendait plus authentique et te donnait une certaine authenticité puisque c'était la spécialité de ta pâtisserie. « Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? » |
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i'm sleeping all these demons away
but your ghost, the ghost of you
it keeps me awake
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L’oubli n’est qu’illusion, a l’apparence d’un doux poison. Parce que les souvenirs ne s’effacent pas, restent ancrés dans l’encéphale, semblent devenir le pourquoi d’une fuite sans fin. Tu verras, le temps guérit les peines. Des mots, bien trop souvent entendus, bien trop souvent prononcés. Il n’y croit plus. Le temps est passé, les espoirs se sont créés, mais la douleur est restée. Sourire amer au coin des lèvres, se sentant idiot d’y avoir cru, à une époque. Le regard ailleurs, qui longe les rues de l’île à la recherche d’un je ne sais quoi, d’une réponse peut-être ? D’une explication ? Si seulement il savait. Ciel grisâtre, reflet de son âme, de ce qu’il cache au fond de lui. Parce que chaque brin d’air, chaque exhalaison, chaque morceau de brique lui rappelle un autrefois. Un temps où elle était là.
Les yeux se perdent, s’arrêtent non loin de lui, sur une pâtisserie. Parce que les effluves qui s’en échappent l’attire, ressemblent à une douce promesse. Les jambes en mouvement s’approchent, tandis que le bras exerce une pression sur la porte. Le corps est enveloppé par de délicieux arômes, le réconforte le temps d’un instant. Et c’est tout ce dont il a besoin. Le regard rêveur, brillant, observe quelques secondes la vitrine jusqu’à ce qu’une voix satinée flotte dans l’air. L’accent semble étranger, attise sa curiosité. « Bonj… » Mais lorsque son regard se pose sur elle, le coeur loupe un battement. C’est douloureux, là, comme une décharge électrique. Apparition divine qui le laisse sans voix. La gorge se noue, les mains deviennent moites, parce que tout ceci ne devait être qu’un rêve, qu’elle ne se trouvait pas réellement là. Non ce n’était pas possible. Etait-il devenu fou au point de l’imaginer face à lui ? Les pensées s’effritent, s’obscurcissent. Mais la réalité tombe, une fois de plus, bien trop vite. Parce que finalement c’était trop beau pour être vrai, parce que le son de sa voix le ramène à une existence bien douloureuse. Ce n’était pas beth, mais cette mystérieuse inconnue qu’il avait déjà croisé. Celle qui avait ravivé cette plaie béante dans sa poitrine. Mélange de sentiments au fond de lui. Colère et curiosité démarrent un combat sans merci. Il la regarde, là. Ne peut s’empêcher d’admirer sa beauté, les traits de son visage, ceux qui ressemblent à celle qui faisait battre son coeur. À croire que la vie s’obstine à lui rappeler ce qu’il a perdu, à le torturer un peu plus chaque jour. Son corps, comme paralysé, ne bouge plus, n’arrive plus à produire le moindre son. Prit au piège d’un mirage mortel. Les mots s'entrechoquent dans son esprit, se bousculent. « Je… Vous… » Les paroles sont incohérentes, semblent impossibles à aligner. Parce que ça le pique, le brûle, au fond de sa gorge. Cette vision d’elle le tourmente, assez, pour qu’il ne soit plus maître de lui-même. Connaissait-elle beth ? Etait-elle de la même famille qu’elle ? Tant de questions dans son esprit. Statue de marbre qui ne bouge plus, qui se contente de la regarder. Il se devait de dire quelque chose, de faire un signe, juste pour ne pas qu’elle s’interroge à son sujet, même si cela devait être déjà trop tard. « Vous..vous disiez pardon ? »
Azriel, reprends toi, ce n’est pas elle.
Cette fille devant toi,
Parce que tu la revoie,
Triture ton coeur en émois.
Mais elle n’est pas celle que tu espères.
Ta douce Beth.
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| « Vous..vous disiez pardon ? » Tu te reprends juste à temps pour ne pas froncer les sourcils. Cet homme avait l’air d’avoir littéralement vu un fantôme. Pourquoi au juste ? Est-ce que tu le connaissais ? Est-ce qu’ il te connaissait ? Une soudaine panique se referma comme un poing glacé autour de tes entrailles. Du calme, Katell. Il ne peut pas te connaître, personne ne le peut. Il devait simplement avoir une impression de déjà vu, rien de plus. Ça arrivait à des tas de gens. Et puis il paraissait que tout le monde avait cinq sosies dans le monde. Cela n’avait rien à avoir avec le fait que tu écrivais des romans et encore moins avec ta vie d’avant. Tu saisis le plan de travail discrètement pour te stabiliser et te donner contenance. Il ne pouvait pas te connaître pour la simple et bonne raison que son accent ne laissait aucun doute : il était britannique et tu ne connais aucun britannique. Il n’appartenait donc pas à ton ancienne vie, de près ou de loin. Il ne pouvait pas s’agir d’un fan puisque personne, absolument personne, ne savait à quoi ressemblait Kate Mercer, ton nom de plume. C’était simplement quelqu’un que tu avais trouvé, mais un inconnu tout de même. Tu t’efforçais de lui adresser ce sourire professionnel dont tu ne te départissais jamais dans ta boutique. « Je vous demandais ce qui vous ferait plaisir. Aujourd’hui, il y a de la tarte à la rhubarbe et du crumble aux poires. Il ne m’en reste pas beaucoup alors si vous voulez tenter votre chance, c’est maintenant ou jamais. » Tu lui adresses un sourire amical, feignant de ne pas avoir remarqué ton trouble et d’avoir éloigné le tien. Pourtant tes doutes étaient toujours là, tu les avais juste fait taire momentanément. Tu étais curieuse d’avoir une explication, cela dit. Tu n’insisterais pas de suite, autant attendre de voir s’il allait ou non aborder la question. S’il ne le faisait pas, est-ce que tu le ferais ? Peut-être pas… Ou peut-être bien que oui ? |
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