Les hautes lumières (lily)

âge dix-sept ans et déjà l'envie de grandir trop vite, de te barrer d'ici, d'pouvoir prendre des propres décisions. Et pourtant, pourtant y'a la peur de l'inconnu et de l'oubli, la peur de grandir et de disparaître dans un monde trop vaste, noyée, oubliée, désabusée. naissance et nationalité On dirait une histoire tout droit sortie d'un téléfilm de noël. Maman, jeune étudiante venue étudier la littérature étrangère à Londres tombe éperdument amoureuse de l'asistant du professeur, un japonnais au charisme déroutant.  Ils se marient, ont une petite fille et puis y'a l'générique de fin, on passe à autre chose. Mais la vie continue, la vie n'a rien d'un film. Papa est froid, papa est japonnais, papa est rarement là, et maman disparaît, à son tour. Du jour au lendemain, il n'y a plus que Lily. Lily et puis ces étrangers, cette île bizarre et cette nouvelle famille qu'elle doit faire sienne. à guernsey depuis T'as débarqué y'a dix ans, gamine paumée, blessée et terrorisée. L'impression d'avoir vécu mille vies et un poids trop lourds pour des épaules trop frêles. T'as mis longtemps à faire de Guernsey ta maison et encore aujourd'hui, tard le soir, au fond de ton lit, tu ne te sens pas tout à fait à ta place, Lily. Mais le seras-tu jamais ? métier, ££ Lycéenne assidue, gamine fauchée. Tu sais que papa fait des efforts, pour les sorties au ciné et l'argent de poche, mais tu sais que l'argent manque, parfois, que la vie est dure, sur l'île. statut civil, orientation Célibataire, hétérosexuelle. Y'a eu ce mec plus vieux, un copain de Lanny, une fois. C'est jamais allé bien loin. Les mecs ont peur de toi, la plupart du temps. Et ça te va. T'ouvrir à quelqu'un d'autre, c'est risqué d'être abandonnée, et ça, c'est terminé. pronoms elle, ce genre de chose te passe au dessus de la tête. T'es trop jeune, Lily, pour comprendre, vraiment comprendre. faceclaim sakura heffron personnage pré-lien. crédits pinterest.

— caractère:  on lui trouve généralement plus de défauts que d'qualités. pas forcément aimable, peu patiente et irascible. elle gueules souvent, se fait entendre et détestes pourtant parler pour ne rien dire.  toujours ce besoin constant d'être sarcastique, d'avoir réponse à tout, tout le temps. elle est jalouse, trop, beaucoup trop. c'est infernale, la plupart du temps. on la considère même carrément méchante, les trois quarts du temps, simplement parce qu'elle est honnête, et qu'elle s'en fiche, si la vérité blesse.

et puis elle est en colère, tout le temps, constamment, Lily. et y'a ces émotions sourdes qui grandissent en elle, qui l'emprisonnent, et elle n'arrive pas à s'en défaire. elle est en colère contre les autres et contre elle, contre elle surtout. elle qui se déteste si fort, si souvent. elle qui peut plus s'regarder dans un miroir sans avoir envie d'se détruire la mâchoire, elle qui voudrait n'avoir jamais existé. et ces sentiments qu'elle n'peut pas contrôler, elle les canalisent dans ses mots, et dans ses poings.

vicieuse et violente gamine.
perdue
et triste
tout le temps.

elle se compare sans cesse aux autres,  y'a ce besoin d'être la meilleure, celle qui mène la danse, celle qui regarde de haut. parce qu'ainsi, ainsi on ne verra pas que qu'elle cassée, brisée et déformée. on ne verra pas qu'son coeur est foutue, comme celui de sa mère. on n'verra pas que son esprit part en miette. chaque jour est une bataille, une bataille contre elle, contre ces démons qui lui mangent le coeur, contre les maux durs, contre les larmes.

elle s'est prise l'injustice du monde en pleine face, l'abandon encré sur son front, dès l'premier instant. papa est parti, et tout le monde, tout le monde part. parce que pourquoi rester, pourquoi rester près d'elle, hein ? elle ne le mérite pas, elle ne mérite rien. parce qu'elle est hideuse et mauvaise et méchante et triste et immonde.

immonde enfant du monde.
jamais aimée,
non,
jamais.

alors on attaque on mord comme un chien esseulé, un putain d'loup carnassier. et ainsi, ainsi elle se sent intouchable, l'enfant-monstre. parce que personne ne s'approche vraiment, parce que tout reste en surface. c'est si simple, si simple de repousser tout le monde et de construire un mur inébranlable mais peu de genre la connaisse véritablement, connaisse sa douceur étrange et ses rires tendres.

elle a construit, durant toutes ces années, autour d'elle ces remparts infranchissables et elle le défend comme une forcenée, alors qu'la seule chose qu'elle voudrait, c'est qu'on prenne la peine de les faire tomber.


Il est sept heures et demi, c’est samedi. Tu manges des céréales au caramel et maman boit son café. Tes jambes se balancent dans le vide et rebondissent contre ta chaise, bong, bong, bong. Ce bruit régulier est rassurant. Tu aimes le bruit. Mais maman tape sa main sur la table. « Stop that, Lilyrose, you give me a headache ». Tu fais la moue. Maman, elle ne crie jamais, ça, c’est le rôle de papa. Mais ce matin, maman n’est pas vraiment maman. Elle est pale et ses yeux sont jaunes. Elle a mal à la tête, tu le vois bien, parce qu’elle n’arrête pas de se masser les tempes. « When we are sick, we go to the doctor office, mommy.» tu dis, parce que c’est ce qu’elle te répète toujours, maman. Mais elle balaye cette idée d’un geste de la main et vient embrasser ton fond. « I’m okay, munchkin. Eat your cereals ». Tu hausses les épaules et te reconcentres sur ton bol. Et puis c’est le grand fracas. Tu entends presque le bruit des pensées de maman qui s’effondre contre le sol. « Mommy ? » tu demandes, tu cris, tu pleures. « Mommy, wake up ! ». Après avoir sauté de ta chaise, tu te retrouves au-dessus de son corps, à la secouer pour qu’elle se réveille. Tu secoues la tête. « Please mommy, please… » mais elle ne se réveille pas, et du haut de tes sept ans, tu comprends bien que quelque chose ne va pas, que la secouer dans tous les sens ne la réveilleras pas. Alors tu te redresses, attrapes le téléphone et compose le numéro d’urgence affiché sur le réfrigérateur. « 911, what’s your emergency? »




Il est midi et quart. Assise dans la salle d’attente de l’hôpital, tes jambes se balancent dans le vide et rebondissent contre le métal de la chaise. Bang. Le bruit est différent d’à la maison. Tu n’aimes pas ça. Il y a trop de bruit, trop d’odeur. La lumière est trop forte. Tu n’aimes pas ça. Tu veux rentrer avec maman. « Hi sweetie. » une dame en blouse blanche vient de s’approcher. « Where’s mommy ? » tu demandes en serrant contre toi ton lapin en peluche. « I want mommy… » « my friends are fixing your mom, okay ? » et la jolie dame se redresser pour regarder le monsieur qui est arrivé pour s’occuper de toi. « Any news of her family ? » «  The mother is isolated and the father in a businesstrip. we can't reach him… » « Daddy is in Tokyo ! » tu réponds, parce que c’est ce que maman t’a dit. Ça ne te dérange pas, tu ne veux pas le voir. Tu veux voir maman.





Il est quatorze heures, c’est lundi. Tu as passé le week-end chez une dame que tu ne connais pas. Elle a sept chats et tu n’aimes pas les chats. Tu n’es pas allée à l’école, aujourd’hui, et tu ne sais pas pourquoi. Tu ne sais pas où est maman. Personne ne te dit rien, et quand tu demandes, on te propose de regarder la télé ou manger une glace. Ça sonne à la porte, la dame ouvre, c’est papa. Tu es tiraillée entre l’envie de le rejoindre pour le serrer contre toi et la crainte qu’il t’inspire depuis toujours. « Daddy… » tu commences, timide. « Are we going to join mommy at the hospital? » « No, Lilyrose, Mum is dead. We're going back home »




Il est dix-huit heures, c’est vendredi. Tu es rentrée de l’école toute seule, parce que l’école est à trois cent cinquante-sept mètres de la maison, et papa travaille. Il rentre à dix-sept heure trente, normalement. Mais il n’est pas encore là. Alors tu attends. Tu manges des céréales parce que tu as faim, et tu parles à maman, un peu. Papa dit qu’elle est dans une boite, toi, tu penses qu’elle est près de toi. Tu es sage, tu ne veux pas la fâcher. Papa ne rentre pas. Dimanche soir, il n’y a que toi, maman et ton lapin en peluche. Lundi, dans la matinée, quelqu’un vient frapper à la porte mais tu ne dois pas répondre aux inconnus, alors tu restes dans ton lit. Tu regardes tes bras nus et ces constellations bleutés. Les étoiles de papa. Tu as peur.




Il est quinze heures, c’est jeudi, et papa ne reviendra pas. Les messieurs du poste de police n’arrête pas de l’appeler, mais tu sais qu’il ne reviendra pas. Parce qu’il a pris sa grosse valise, et quand il part pour quelques jours, il prend toujours la petite. Tu sais qu’il ne reviendra pas parce qu’il ne veut plus vivre avec toi. Tu l’as entendu, au téléphone. Il parlait avec mamie, dans le salon, en japonais. Il pense toujours que tu ne comprends pas. Mais tu comprends, Lily. Tu as entendu ses mots lourds. Tu l’as entendu dire que c’était de ta faute, si maman était morte. Tu l’as entendu parlé d’un hématome, dans la tête et puis de beaucoup de sang. Il a dit qu’il ne voulait pas d’enfant, pas de fille, pas de Lily. Alors il est parti.




Il est dix heures et c’est lundi. Tout est différent, ici. L’air est salé, le ciel est couvert, et il y a moins de bruit qu’à Londres. Ça, ça te plait. Parce que le bruit, tu n’aimes plus. C’est ta nouvelle maison, cette île. Une nouvelle maison avec une nouvelle famille. Un nouveau papa et une nouvelle maman. Elle est belle, cette nouvelle maman, et elle t’a promis que jamais elle ne remplacerait la tienne. Ils sont gentils, avec toi, et tu ne sais pas pourquoi, Lily.