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« Du sucre ?
- Oh, non. On évite le diabète.
- Oui. Évidemment. »

Par-dessus les tasses de thé fumant, elles échangent un sourire sans chaleur. Après les banalités (Le travail se passe bien ? Et les enfants, ça va ? La dette extérieure, quel casse-tête pour le gouvernement, n’est-ce pas ?), tout le monde manque d’idées. À une certaine époque – d’ailleurs, pas si lointaine –, Rebecca ne tarissait jamais de ces petits sujets de discussion parfaitement convenants et insipides. Au cabinet, à des diners entre amis, aux réunions de copropriété, elle pouvait déblatérer des heures de la météo, de l’itinéraire pour venir et de l’autre, pour repartir, du dernier film salué par la critique ou plébiscité par les cinémas, de la petite actualité maussade des jours passés ou du fait politique prétendument crucial. Ce n’est même pas qu’elle ait perdu de son petit talent. C’est qu’elle n’a plus envie. Elle n’essaie plus de combler les silences ou de filer le bien-être des autres avec quelques mots d’encouragement à lui déballer ses états d’âme et l’inventaire de son existence creuse. Elle se fiche que Georgina soit à l’aise dans sa propre cuisine, encore que celle-ci l’y ait personnellement conviée et que Rebecca ait sincèrement accepté de la suivre. En fait, elles n’ont jamais été vraiment amies. Jolene faisait le lien entre elles. Georgina ne croit pas que Rebecca se soit jamais intéressée à elle (ou à qui que ce soit d’autre, au demeurant), malgré son air toujours soucieux et ses phalanges posées sur votre épaule. Elle a un don, c’est avéré, pour convaincre les gens qu’ils comptent. Ce n’est pas forcément faux, remarquez, mais, en ce qui la concerne, Georgina aurait préféré que Jolene ne le croit pas sous prétexte que cela sortait de la bouche de Rebecca Rose.

« Tu as prévenu Lee que tu étais rentrée ? » George sait que non. Rebecca n’a la prévenue de rien, ni aujourd’hui ni il y a trois ans. Et elles ne se sont jamais revues ou reparlées depuis. Pourquoi est-ce que Becks serait venue s’asseoir dans une cuisine aussi déprimante, sinon ? Après tout ce temps (et non sans un certain remord), elle suppose qu’il est temps de fournir des explications assorties d’un certain nombre d’excuses. De ce côté, elle n’a aucune idée de ce qu’elle dira ou ne dira pas. Elle n’a pas décidé. Mais, en croisant le regard de Georgina, plus tôt, au magasin, Rebecca a su que c’était le moment. Étonnement, a pensé Georgina, elle n’a pas fui. Elle s’est avancée, un large sourire de part en part de la trogne. C’était comme si elles s’étaient toutes les trois vues la veille et qu’elles avaient passé une excellente soirée. Avec un blackout de trois longues années. « Non, finit par dire Becks en touillant son thé sans sucre. C'était un peu... soudain, comme décision. » Et, là, quelque part en travers de la gueule de Georgina, il y a comme un non, sans blague...

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Jolene attrape son alliance dans la boîte à gants et la réenfile comme on glisserait un nœud coulant à la nuque d'un condamné. Tout du long, du petit chemin pavé qui mène à la maison à sa main qui enfonce la poignée de porte, la masse aux épaules s'alourdit et la fait pousser un soupir qu'elle ne remarque plus tellement. Elle ne rechigne pas tant à rejoindre sa femme qu'à croiser le fer avec, et il faut encore s'occuper d'aller récupérer les enfants... Puis s'occuper des enfants tout court.

Il y a un bref instant d'arrêt entre le moment où sa voix parvient à Jolene, et celui où elle arrive à intégrer l'idée qu'il puisse s'agir d'elle. Une seconde. Peut-être moins. Une seconde pendant laquelle George ne compte plus, et le poids a disparu. Cette seule seconde suffit pour que, silencieusement, elle s'insulte en bonne et due forme. Ensuite, et seulement ensuite, Jolene réussit à se persuader qu'elle fabule. Et que si elle ne fabule pas, alors elle l'enverra chier.

Elle n'en fait rien.

Après avoir jeté sa serviette et sa veste dans un coin de l'entrée, elle s'installe contre l'encadrement de la porte de la cuisine. Ses bras se croisent sur sa poitrine et aiguisent ses défenses. Cette. Sale... Est. Dans. Sa. Cuisine. Un sourire crispé craquelle son visage.

« Je crois que j'ai raté un épisode... » Ou toute la putain de saison, d'ailleurs.

Elle a un rire nerveux, comme si son cerveau n'arrivait pas à imprimer la scène, ou à la traduire. Après très exactement trois ans et sept jours (elle ne l'avouera pas, mais peut-être qu'elle a bel et bien compté), voila que Rebecca Rose daigne lui faire l'honneur de sa présence.

Sois adulte, Lee. « Tu t'es rappelée qu'on existait ou c'est comment ? »

Ses mâchoires se contractent derrière un sourire aux reflets furieux. Et le regard inquisiteur de George, plutôt que de l'apaiser, ne fait que jeter plus d'huile sur le feu.

« Quoi ? Je suis censée fermer ma gueule et prendre une camomille avec ma vieille copine, c'est ça ? Assène-t-elle, cynique, mais sans hausser le ton. »

Jolene n'attend pas tellement de réponse et gratifie la salle d'un soupir irrité avant de se diriger vers son congélateur. Martini. Maintenant.

« Un verre ? Tant qu'à faire. »

A partir de là, ses yeux évitent ceux de sa femme, et préfèrent même tomber dans ceux de Becks. Ses dents viennent brièvement pincer sa lèvre inférieure. Un mélange de regret et d'autres choses. Colère, un peu. Haine, sans doute. Et toujours là, dans un coin, au fond, une forme de soulagement qu'elle renie et ignore.

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Une semaine plus tôt, Rebecca ignorait qu’elle voudrait rentrer (si c’est bien ce qu’elle a fait). Après avoir quitté Margot et les murs étriqués de leur appartement à Londres, elle a simplement pris un avion pour quelque part. Ce n’est que plusieurs semaines ensuite qu’elle a décroché son téléphone pour prévenir sa cadette qu’elle débarquait dès le lendemain. Alors, soudain, c’est définitivement le mot qui convient. « Et tu penses rester longtemps ? l’interroge Georgina de son ton le plus dégagé. » « Aucune idée. » Rebecca ne s’est mis aucune finalité en tête. Elle voulait seulement revoir l’horizon lorsqu’on se tient de ce côté de la Manche. Et ce n’est pas désagréable de retrouver sa sœur, comme lorsqu’elles n’étaient que toutes les deux. « Je pensais… » Le bruissement caractéristique de la veste abandonnée dans le vestibule fait réagir Georgina un quart de seconde avant Rebecca. Les deux femmes tournent la tête vers Jolene, qui marque l’entrée de la cuisine comme Cerbère, les Enfers. Ça frotte dans la poitrine. Ça pousse contre les côtes. Lee a la trogne des très mauvais jours, ce qui a un effet inexplicablement euphorisant sur Rebecca. C’est ça, rentrer chez soi. « Salut, Lee. » Le timbre pue tout le sucre que la généraliste n’a pas mis dans son thé. Cela dit, c’est sincère ; elle a plaisir à retrouver celle qui aura été sa meilleure amie durant de longues années. Au reste, elle l’est toujours. Qui donc serait venue la remplacer dans un myocarde aussi factieux ? « Tu t'es rappelée qu'on existait ou c'est comment ? » Rebecca va dire qu’elle comprend mais elle n’en a pas le temps. La communication conjugale file à la vitesse d’une balle de fusil. « Quoi ? Je suis censée fermer ma gueule et prendre une camomille avec ma vieille copine, c'est ça ? » Comme Jolene ne paraît pas attendre de commentaire, ni Georgina ni Rebecca ne pipe mot. Pourtant, Becks brûle de souffler, un rire à fleur de bouche, que ce serait une idée. À vrai dire, elle aimerait que les choses se passent toujours ainsi. Tout serait infiniment plus simple si chacune des personnes qu’elle retrouve voulait admettre que leurs souvenirs valent beaucoup mieux que le présent. Tout ce que ressent Rebecca en cet instant refuse de se faire jour aussi longtemps qu’elle pense aux années qui les ont précédé de beaucoup. « Tu veux bien nous laisser une minute ? glisse-t-elle à voix basse à l’intention de George. » Celle-ci n’y consent pas immédiatement. À ses rétines qui traînent sur les gestes erratiques de sa femme et sur le verre qu’elle entreprend de se servir, Rebecca comprend tout ce qu’elle a besoin de savoir. Georgina sort de la cuisine lorsque Becks répond enfin : « Un verre, oui. » Elle ne boit plus vraiment. Et jamais à cette heure-là. Réflexe de médecin. « C’est mauvais pour ton cœur, dit-elle, un sourire dans la voix. » Ce qu’il est possible de prendre pour la pire audace qui soit transpire une sincérité désarmante lorsqu’on le voit aux deux iris bleutés de Rebecca. Elle s’amuse gentiment, c’est tout. « Mais j’imagine que nous deux, ici, ça se fête. »
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Le flegme décomplexé de Rebecca lui donne vaguement envie de hurler à s'en faire saigner les tympans. Ca lui éviterait au moins le supplice d'avoir à l'écouter. Pourtant, à mieux l'observer, à mieux dessiner les contours de son menton et de sa sincérité, Jolene peut presque se projeter entrain de lui pardonner. La demi-seconde d'hésitation lui pend quelque peu à la mâchoire. Elle a des choses à dire et visiblement, aucune d'entre elles ne souhaite sortir. Alors elle se rabat sur ses vieux mécanismes d'auto-défense.

« Je te rassure, mon cœur est nécrosé depuis longtemps. Assène-t-elle avec l'ombre d'un sourire vitriolé. »

Les mots empestent l'aigreur et la rancune, tandis que les double-sens ricochent contre les murs. Pour un cœur nécrosé, il lui paraît bien trop lourd et bien trop bruyant.

« -Mais j’imagine que nous deux, ici, ça se fête.
-Je t'arrête tout de suite... »

Jolene tire les verres du congélateur, et attrape la bouteille de vermouth d'un geste mécanique. Le suspense, lui, s'étire en martyre et invite au silence. Elle pose le tout sur l'îlot central et, appuyée à deux mains contre le bois, prend un instant pour mieux disséquer la silhouette. Sa femme a beau avoir quitté la pièce, elle peut quasiment sentir sa présence tantôt couteau tantôt étreinte. George désapprouverait. Mais George désapprouve tout ce que Lee fait, ces derniers temps.

« Il n'y a pas de "nous", Rebecca. »

Rebecca. Si solennelle qu'elle fait froid dans le dos. La voix craquelle sous la rancœur et le myocarde se heurte maladivement aux côtes. Les traits se déforment tant qu'on peut sentir l'orage longtemps avant qu'il frappe.

« Il y a toi !... Gronde-t-elle en pointant d'un doigt accablant. Et il y a moi ! Fait-elle en se fichant le même doigt entre les clavicules. »

Elle, qui n'était même pas au courant du départ. Elle, qui n'a pas voulu croire qu'on l'avait abandonnée. Elle qui, chaque jour de la première année, a attendu un putain de coup de fil, ou même un courrier ou un sms... Quelque chose. N'importe quoi. Elle, qui n'a jamais franchement réussi à tirer un trait sur ce qu'elles avaient, malgré les circonstances, et le silence. Double.

« Tu sais, cette pauvre conne qui a un jour naïvement cru que t'en avais quelque chose à carrer de sa gueule ! »

Jolene n'arrive plus tellement à se figurer le moment où elle a repris un verre en main. En fait, elle ne remarque le contact du verre que quand il lui explose dans la paume.

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Son thé est en train de tiédir mais Rebecca ne fait aucun geste en sa direction ni ne montre aucune intention de le vider. L’œil est fixe, flegmatique mais critique. En son absence, Jolene a lentement glissé d’une femme en manque de sens et d’intensité (exactement comme elle) vers une pure drama queen. Les métaphores choisies, l’alcoolisme mais, attention, en cocktail… La rétine vire très subtilement ironique. Dans cette figuration grotesque, Rebecca n’ignore pas qu’elle n’a pas le beau rôle. Elle est partie. Ou, plutôt, elle n’est jamais revenue de son petit séjour d’opportunités londonien. Elle n’a donné aucune nouvelle et pas davantage d’explication. En ce temps-là, elle estimait que ce n’était pas nécessaire. Elle a écrit à Faye, oui… mais c’était Faye. Là-dessus, Rebecca refuse de s’appesantir car, en dépits de la brutalité de sa fugue, il fallait un peu plus qu’un seul fusible pour parvenir au résultat de Ms. Jolene Marx. Georgina, pour sûr, serait d’accord avec ça. Rebecca (que Lee n’avait plus appelé en toutes lettres depuis… des années ?) le parierait. Mais elle ne dit rien. Rien du tout. C’est vrai : il y a Jolene d’un côté, elle d’un autre. Ça n’empêche franchement rien. Elles ont été amies dès les premières minutes. Pas parce qu’elles étaient lesbiennes, comme leurs abrutis d’amis communs normalement homophobes l’ont spontanément pensé. Parce qu’elles avaient le même feu terne, mourant, à l’intérieur et que les créatures de cette espèce se reconnaissent entre elles et se rassemblent pour se survivre. Et c’est la raison pour laquelle, après trois années révolues et sept journées entières, ça fait toujours aussi mal. Et il serait faux de croire, malgré sa placidité, que Rebecca n’a pas mal, elle aussi. Ça bourdonne de plus en plus fort dans ses oreilles à mesure que le ton de Lee escalade et dévore tout l’espace laissé libre de la cuisine. Puis le verre éclate et Becks tressaille. « C’est bon... ? » Le timbre a quelque chose de maternel. De dur, aussi. George, qui n’était pas loin, commençait à refluer lorsque Rebecca hausse la voix : « Je m’en occupe ! » Aux bruits de pas, on sent qu’elle hésite. Comme beaucoup d’autres personnes, elle finit néanmoins par se laisser convaincre que Rebecca maîtrise parfaitement la situation. La médecin s’est levée de son siège. Elle attrape un torchon qui lui paraît propre et, directive, saisit de même le poignet de Jolene. En lui faisant prudemment déplier chaque phalange, elle inspecte les plaies superficielles et balaie les éclats. Une fois qu’il ne reste aucun bris pour forcer dans la chair, elle presse – trop fort – le torchon sur la main et cette main dans la sienne.
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« C'est bon. Achève-t-elle un peu trop sèchement. »

La colère de Jolene périclite au fur et à mesure que Rebecca se rapproche. Pas assez pour l'empêcher de fustiger intérieurement, mais assez pour qu'elle se taise. Et pense. Même mal. Même de manière partiale. Son cœur, lui, tonne de façon erratique et n'est pas sûr de la ligne de conduite à suivre. Passés les premiers battements furieux, le voila plutôt circonspect. Et malgré l'éclair de douleur qui sabre la figure de Jolene au contact de la paume dans la sienne, il la force à resserrer ses phalanges pour lui rendre.

« Tu m'énerves. Tu m'as manqué. T'as déconné, Becks. J'étais seule. »

Le ton est bizarrement retombé. Les yeux de Jolene, noirs d'une affection amiantée par la rogne, trouvent ceux de Rebecca. Ils savent dire tout ce qu'elle ne peut pas. Posent la question qu'elle ne posera pas. Pourquoi ? Car en ce qui concerne sa vie privée, Lee est finalement taiseuse, pudique, et sans idées bien nettes de la façon dont on traite verbalement les affects. Il n'y a guère que George et leurs enfants qui parviennent à lui rançonner quelques 'je t'aime' parachevés. En ça, elles n'a pas tellement changé, trop embourbée dans son orgueil et chevillée sur ses positions.

En fait, de prime abord, aucune d'elles ne semble avoir vraiment changé.
Rien ne semble avoir changé. Becks est Becks. Lee est Lee.
Et, malgré les années, malgré la fuite et l'incompréhension, subsiste toujours entre elles cette sorte de complicité bâtarde et intuitive.

Peut-être que c'est ce qui l'effraie. Peut-être que c'est ce qui la met le plus en colère. Leur similarité. Ou le simple fait qu'à nouveau, un jour, Becks ira sans elle. Sans prévenir, ni se retourner. Et elle lui en veut. Elle lui en veut pour le passé et déjà pour le futur. Il y a de ces fêlures au cœur qui ne tue pas mais qu'on ne soigne pas. Leur amitié est de celles-là. Indélébile et amère.

« T'as déconné fort. Je t'aime. »
Et toujours : pourquoi ?

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La colère sourde, souffrante et réfractaire de Jolene n’effraie pas Rebecca. Il est plus juste de dire que Rebecca n’a pas peur de grand-chose. Depuis petite, elle sait que les êtres humains se consument de rage et qu’ils explosent avec une telle régularité qu’ils tiennent au moins autant du volcan que de l’horloge. Aucune forme de colère ne l’effraie plus depuis longtemps, pas même la plus saine ou la plus justifiée. Et celle de Jolene l’est.

« T’as déconné, Becks.
- Je sais. »

Ça fait du bien d’entendre ces cinq lettres – Becks. C’est Lee qui lui cause à travers ces trois années d’absence et de silence total. Le ton de Rebecca n’est pas non plus contrit. Au demeurant, rien dans son attitude ne dénote le moindre sentiment de culpabilité. D’abord, parce qu’elle en est pour ainsi dire dénuée. (Et c’est difficile, pour ne pas dire impossible, à expliquer à n’importe qui de normalement constitué.) Ensuite, parce qu’elle a toujours été à la fois envahie et débordante de calme, d’une sérénité trompeuse, solide, très en-dessus du magma chaotique de ses vraies sensations. On vous le dirait : Rebecca ne dit ne fait jamais rien qui sorte de l’ordinaire. Elle est intéressante, parfois même captivante, mais, au final, elle a quelque chose de plat, d’ordinaire, d’à peu près fade, en fait. C’est à lui voir le creux dans l’être, sans même réaliser qu’elle y a fourré d’autres choses, nettement pires que le vide en fin de compte.

En tous les cas, elle comprime la plaie jusqu’à trente.

« T’as déconné fort, répète Lee. »

Elles sont proches pour que Jolene le voit mais un petit rictus désabusé se découpe dans la bouche de Rebecca. Ce n’est pas comme si elle apprenait quelque chose. Elle sait, elle sait profondément que ça déconne. Mais qu’est-ce qu’ils croient, tous ceux qui paraissent prendre un ticket rien que pour lui dire ? qu’elle ne le sait pas ? Ils n’ont aucune idée, pas même Jolene, de ce que ça fait d’être elle, de vivre avec… tout ça. Alors, déconner, c’est le strict minimum. (Ça aussi, c’est difficile à expliquer, à la limite de l’impossible.)

« Y’a rien que je puisse dire qui te fera sentir mieux, finit-elle par dire. » Sachant que, très bientôt, on ne tolèrera aucune forme de proximité entre elles, Rebecca inspecte, par sous le torchon, le débit de chaque coupure. C’est tellement bénin qu’elle ajoute très vite : « Passe ta main sous l’eau. » Déjà, elle s’est un peu éloignée, penchée sur les éclats qu’elle collecte prudemment à la main. Elle s’assure qu’il ne reste rien, ne serait-ce que pour les gosses.

« Maintenant, je veux bien un verre. »
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« Y’a rien que je puisse dire qui te fera sentir mieux. »

Sans qu'elle ne veuille complètement l'admettre, Jolene sait. C'est fiché quelque part entre ses côtes, comme une intuition poisseuse et indissoluble qui survit au déni et au mensonge. Et ça fait mal. Ça fait d'autant plus mal qu'on ne daigne même pas essayer. Lee voudrait lui dire. D'essayer. D'au moins essayer. Mais l'injonction est aussitôt refoulée. Elle attrape sa paume blessée de son autre main, y dessine quelques arabesques du pouce l'air mi-désabusé mi-caustique. Le contact la brûle encore. Ou est-ce seulement la douleur des plaies ouvertes. Elle s'exécute, cela dit. Voila bientôt son poing sous l'eau et son visage balafré de sa pire désinvolture.

« Y'a rien que tu puisses dire qui me fera me sentir pire. Répond-t-elle rétroactivement. »

Le fond du gouffre, c'est là. Il n'y a plus d'autres options que d'en sortir ou d'y crever. Jolene éteint le robinet et tire trois verres à whisky dont elle ne tarde pas à tapisser le fond d'un liquide ambré. Elle en pousse un en direction de Rebecca, et remet une table de distance entre elles. Sa présence l'étouffe plus qu'elle ne la rassure.

« Tu peux essayer, au moins. »

Les mots s'échappent d'entre les rangées de dents serrées, comme si on venait de lui arracher une molaire pour lui extorquer cette sorte de vulnérabilité. L'on aurait presque dit que c'était à Jolene de s'excuser, et non l'inverse. Et c'est aussi, à moindre mesure, vrai : Lee n'a, de son côté, pas non plus envoyé de message, ni cherché à contacter Rebecca, ou à lui faire savoir qu'elle crevait d'envie de la revoir. Ce n'était pas à elle de faire le premier pas, estimait-elle. Ce n'est toujours pas à elle de le faire, en vérité.

« Dis-moi, bordel. Dis-moi n'importe quoi. Mais dis-moi quelque chose. »

Sa voix est calme, d'un calme glacial. A la veine qui couture son front, on devine qu'elle comprime tout ce qu'elle peut de sa colère. Et peut-être que, oui, ça ne la soulagera pas sur le long terme, mais ça la soulagera là, tout de suite, maintenant. Une seconde, deux secondes, vingt ou dix milles. Tant que ça l'apaise un instant. Rien qu'un instant.

« Invente s'il faut. »

Ça ne marchera pas. Toutes les deux savent flairer assez d'artifices chez l'autre pour que le mensonge ne soit pas tellement une option. Alors pourquoi n'as-tu rien vu, Lee ?

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Tout se déroule comme dans un rêve. A la fois trop vite, ou trop lentement, tu n'arrives jamais à suivre l'action ou encore moins le cheminement de pensée de tes interlocutrices. Lee et Becks se retrouvent enfin après presque trois années loin l'une de l'autre, et la tension n'a jamais été aussi palpable que maintenant. Tu n'as rien à voir dans l'histoire -ou peut-être que si- et pourtant tu te sens gênée, et tu as l'impression de les embêter plus qu'autre chose. Parce qu'il faut bien avouer que ça a toujours Lee et Backs ou Becks et Lee. Toi tu n'es que la pièce rapportée à ce duo qui est venue s'imbriquer entre deux âmes faites pour se rencontrer. Elles te donnent parfois l'impression de les gêner en te retrouvant au milieux de leurs conversations et aujourd'hui tout particulièrement. Elles s'assoient enfin au salon et se servent un verre de whisky. Toi t'es pas invitée. Lee connaît que trop bien ton aversion pour l'alcool, surtout depuis qu'elle-même en abuse. Mais tu restes là, assise dans le fauteuil à regarder le match comme un match de tennis ces réparties cinglantes qui fustigent de part et d'autre. Même si le cœur te dirait de prendre partie pour Love, tu préfères ne pas t'immiscer dans leurs affaires. Tu restes silencieuse jusqu'à ce que le moment opportun se présente. Les mains bien posées sur tes cuisses enveloppées dans ton jeans serré, tu penses aux enfants et tu penses à votre vie d'avant lorsque tout allait bien en ces quatre mûrs. Et tu sais que lorsque le temps était au beau fixe, c'est lorsque Rebecca était encore la meilleure amie de ta moitié. Alors tu te dis naïvement que si tu souhaites retrouver ton équilibre, il faudra que leur amitié renaisse d'une quelconque manière.

Une remarque de Lee te fait cependant l'effet d'une gifle en pleine figure. C'est lorsqu'elle dit que "rien ne pourrait la faire se sentir pire". Rien? Vraiment? Allez savoir pourquoi, mais tu es subitement jalouse de n'avoir ce même impact sur l'amour de ta vie. Tu te mords les lèvres pour ne pas intervenir. Non George, le moment n'est pas venu.
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Elle est censée dire je suis désolée mais Rebecca n'en fera rien. Elle ne se sent pas spécialement fière de ce qu'il s'est passé et il lui a fallu quelques galons d'un courage insensé pour revenir sur cette île. Mais elle n'est toujours pas désolée. Et, de toute façon, ce serait un peu faible, n'est-ce pas ? Personne ne se contenterait d'une phrase de cet acabit, aussi simple, aussi vaine, et surtout pas Lee. Ce serait un bon départ, bien sûr, et après, quoi ? Rebecca refuse de laisser entendre qu'il y a une explication derrière tout ça, un fondement, une raison quasi métaphysique qui la dépassait, tout simplement ; parce qu'elle n'a même jamais frôlé quelque chose de la sorte, parce qu'elle est la première à ne pas, à ne rien, comprendre. C'est cela qu'il est si impossible d'expliquer. 

« Je ne sais pas... commence-t-elle par dire, lentement. » Le verre est accueilli sans chaleur ni désir particulier. Elle n'a pas soif et pas envie d'alcool, mais ça a l'air de ce dont Jolene a envie – besoin –, alors Rebecca va poser ses lèvres au bord du liquide et faire semblant d'en avaler quelques gorgées. « Tu veux savoir où j'étais il y a une semaine ? » Sa figure s'éclaire. « À Prague ! Et, avant ça, j'étais à Istanbul. » Pour aucune raison spécifique. Elle a simplement pris un avion, puis un autre et encore un autre. Pendant un certain temps, elle a eu l'impression de ressentir quelque chose, un frémissement de quelque chose, et ça a comblé quelques interstices. En vérité, c'était aussi magique que c'était inédit. Distant et étrange, aussi. Puis elle est revenue à Guernesey. Ça doit être une allégorie quelconque, mais elle ne sait pas de quel aspect merdique de sa vie. « C'était très beau, commente-t-elle comme si causer de vacances était tout ce que Jolene pouvait attendre d'elle. Mais ça m'a manqué d'être ici. » C'était peut-être dès le premier jour où elle n'était plus là.  Ou le cinquième. Ou le cinquantième. Peut-être qu'elle a regretté tout de suite mais qu'elle n'a pas su comment revenir en arrière. « Et j'ai rencontré une fille. Qui ressemble un peu à George, d'ailleurs. Pas dans le caractère, elle ajoute comme d'une chose évidente. Plutôt dans le... » Relâchant le verre de vermouth dont elle n'a rien bu, Rebecca englobe sa propre poitrine en un geste ample et suggestif. Elle se met à glousser, sans aucune innocence, s'imaginant que ça poussera peut-être être Jolene à l'imiter.
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