Jolene boit chaque mot, chaque morceau de soleil dans le visage, chaque éclat de voyage que Rebecca lui cède. Malgré l'amertume qui lui racle les entrailles, et les hurlements qui s'entassent dans le fond de la gorge, elle n'interrompt le récit à aucun instant.
Mais ça m'a manqué d'être ici.A la prononciation de ces quelques mots, les dernières velléités s'éteignent sans que Lee s'explique bien pourquoi. Elle se retrouve là, penaude et sans d'autres options que de garder la face d'un égo trop lourd et d'un cœur trop froissé. Alors les mâchoires s'entêtent à serrer les rangs, et les sourcils à accentuer les rides qui lui incisent le front. En dépit de sa posture rigide et défensive, Jolene devine que Rebecca est capable de voir au travers, de décortiquer le regret qui craquelle son aura poisseuse et amère.
Et ça fait du bien. Ca fait un putain de bien fou. De l'entendre glousser.
L'espace d'une seconde, elle compte lui rendre. L'espace d'une seconde, peut-être même que l'ombre d'un sourire menace à ses lèvres.
Une seconde d'hésitation qui lui permet de considérer, puis de refuser que Becks s'insinue à nouveau dans sa vie. De tout son soûl. Comme un branle-bas de peur qui calfeutrerait le cœur désormais à moitié découvert.
Jolene n'aurait plus la résilience pour endurer le supplice d'un nouvel abandon. Son visage s'assombrit d'un coup d'un seul. Elle se force à boire une gorgée de sang-froid liquide pour ne pas laisser un flot d'horreurs se déverser de sa trachée. Le verre posé claque contre le bois telle la sentence qu'on rend.
«
Elle est où, cette fille ? »
Au début, dans l'intonation et dans les mots, l'on pourrait croire qu'il s'agit d'une forme de jalousie ; quelque chose de nouveau, d'incontrôlable et de parasitaire qui exigerait de Jolene qu'elle trouve et pourfende sa 'remplaçante'. Et puis, les doutes sont très vite dissipés.
«
Alors ? Elle est où, maintenant, cette fille, Becks ? »
Jolene n'a pas besoin d'explications, ou de justifications. Au fond d'elle, fiché en douille dans ses artères et dans son cœur,
elle sait. Ou au moins en est-elle persuadée : Rebecca a abandonné cette femme comme elle l'a abandonnée elle. Rebecca a abandonné sa vie là-bas, où que ça ait été, peu importe le temps que ça aura duré.
«
Alors, hein ? Tu l'as laissée où, celle-ci ? »
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