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 oh for heaven's sake (sofia)

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Ça ferait bientôt une semaine très exactement que l’aîné des Madsen était de retour sur l’île qui l’avait vu naître, quarante-trois ans plus tôt. Mais qu’on soit en 1977, en 2020 ou quelque part entre ces deux années charnières, Guernsey demeurait le même coin de terre monotone, ennuyeux et sans histoires. Il y avait bel et bien des choses sur cette bonne vieille terre qui ne changerait jamais, Enoch en était désormais convaincu. Et d’autres qui changeaient, fatalement. Parmi elles figurait, avec un peu de chance, l’opinion qu’avaient sur lui Drake, Liv et Lenore. Peut-être qu’ils en viendraient à l’accepter comme l’un des leurs. Il supposait qu’ils avaient simplement besoin d’un peu de temps pour se remettre du choc initial de le revoir en chair et en os. En tout cas, il n’abandonnerait pas de sitôt. Il saurait se montrer patient avec eux, indulgent même. À Guernsey, la vie était lente; il allait de soi que leur façon de traiter de l’information nouvelle l’était tout autant, sinon plus.
Tout de même, il fallait s’occuper en attendant le jour où ces trois-là entendraient raison. Comme il l’avait craint en organisant son départ de Londres, les divertissements sur l’île n’étaient guère variés, encore moins dignes de sa personne. Il ignorait comment il avait survécu, gamin, au train-train quotidien qui rythmait la vie des insulaires. La réponse lui vint rapidement : grâce aux livres, ses premiers amis. Quand son père, qui cherchait à l’initier au plaisir de manier une embarcation, dompter les vagues et respirer l’air salé qui fouette les visages, il se précipitait toujours à la bibliothèque de Guernsey. Sur la terre ferme, loin de l’eau. Car ça avait toujours été Drake qui s’intéressait à ce mode de vie. Pas Enoch. Jamais Enoch.
Il l’admit, il eut un sourire empreint de nostalgie en apercevant le bâtiment familier, avec ses murs de briques pâles et ses grandes baies vitrées. De l’extérieur, on pouvait y apercevoir de longues rangées remplies d’ouvrages en tous genres ainsi que des tables et des fauteuils çà et là placés avec goût. Enoch poussa les portes et aussitôt, l’odeur caractéristique des livres emplit ses narines. Avec un peu d’imagination, il pouvait presque se croire de retour à la maison, auprès de sa chère Evelyn et de leur immense bibliothèque en bois, placée contre tout un pan de mur… Oui, presque. Soupirant, il s’avança et adressa un signe de tête amical en direction de la fille occupée à ranger les livres qu’il croisa; à l’époque, il connaissait par cœur toutes les personnes qui travaillaient ici, mais il était évident que celles-ci avaient depuis longtemps pris leur retraite. Enfin, en tenant pour acquis qu’elles étaient encore vivantes.
Il se perdit dans la section des bandes dessinées, qu’il dévorait à l’époque, il s’en souvenait bien. Avec affection, il effleura du bout des doigts le dos des albums à sa hauteur. Ce fut alors qu’il remarqua un livre qui n’avait décidément pas sa place dans cette section : un petit recueil de poèmes coincé entre deux albums. Un petit malin semblait vouloir jouer un tour à la bibliothécaire. Amusé malgré lui, Enoch l’attrapa et mit le cap vers le très modeste coin dédié à la poésie pour le ramener parmi les siens. Une jeune femme, assise sur ses talons, semblait rechercher quelque chose parmi les ouvrages. « Excusez-moi, c’est peut-être ce livre que vous cherchez? Je l’ai trou… » Il ne termina jamais sa phrase. Car à ce moment précis, elle releva la tête vers lui et il la reconnut. Il s’arrêta net, le corps tétanisé par l’étonnement, l’incompréhension. Le bouquin de poésie encore à la main, l'unique responsable de ces retrouvailles imprévues et ô combien douloureuses. « Sofia? » laissa-t-il échapper sans pouvoir s’en empêcher.
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Sofia Valentine
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Le soleil filtre à travers les vitres et s'allonge sur les étagères. L'endroit est calme, les bruits étouffés par les pages épaisses. Il y a des soupirs, des raclements de gorge, des mouvements de chaises et rien d'autre, rien d'autre. Sofia inspire l'air poussiéreux en entrant dans la bibliothèque. L'endroit est familier. Elle se souvient des yeux noirs qu'elle recevait, parce que trop bruyante, et trop vive, et trop elle. Ça lui arrache un sourire tendre, alors qu'elle laisse ses doigts traîner sur les livres. La moquette est douce sous ses semelles, et elle entend presque le sang battre à ses tempes. 'Poésie, poésie, poésie,' elle murmure en glissant les yeux sur les rangées infinies. Ses yeux s'abaissent, l'étiquette est jaunie et les livres en désordre. Le rayon est d'une tristesse absolue – et ça la fait étrangement sourire. Sofia plie les genoux, une main accrochée à l'étagère pour l'équilibre, et parcourt les titres sans grande conviction. Elle est là pour rien, si ce n'est pour oublier ses yeux à lui, et tout le reste. L'espoir naïf, peut-être, de trouver ses sentiments sur papier, lorsqu'elle est incapable de les peindre. Mais il n'y a rien – rien que des mots qui n'ont pas de sens, des croquis qui ne retentissent pas, et rien, rien. Elle est laissée seule avec son cœur en vrac sur la moquette bleu nuit d'un bâtiment qu'elle connaît pour les mauvaises raisons. Elle soupire, le regard qui dérive sur les rangées qui l'entourent, elle cherche sans savoir quoi, et ses ongles cognent sur le métal de l'étagère. Elle sent l'ombre qui s'approche, fait claquer sa langue, prête à retrouver l'insolence adolescente qui répondait aux accusations des employés, à l'époque. Mais la voix transperce le silence et elle le reconnaît, étrangement, avant même de lever les yeux. 'Enoch.' Ça lance un frisson le long de son échine. Son regard trace sa silhouette alors qu'elle se relève. En dépit de l'ivresse de ce soir-là, des déceptions jetées au fond des verres, elle se rappelle encore de ses paumes sur ses hanches, de son souffle à son oreille et de tout, de tout. Mais il appartient à Londres, Enoch. A cette vie qui est autre, loin d'ici, loin de la douceur de l'île et de son air qui apaise. Il ne devrait pas être ici. Son cœur s'agite dans sa poitrine, et Sofia serre les dents sur sa lèvre inférieure. Les yeux d'Enoch la percent, la sensation est étrange, et elle y voit tant de choses, trop de choses. Des échos de ses propres sentiments, dont ce même regret terrible qui ronge l'estomac. Elle baisse les yeux sur le livre qu'il a laissé suspendu entre leurs deux silhouettes, en déchiffre le titre, excuse bancale pour fuir son regard. 'Winter Trees, Sylvia Plath.' Ses doigts un peu tremblants s'accrochent à la couverture. 'Je cherchais rien de particulier, en fait.' Elle lui offre un vague sourire, la gêne qui se répand dans ses bronches et lui coupe le souffle. 'Je te croyais toujours à Londres.' C'est idiot, parce qu'elle n'en sait rien. Parce qu'au-delà de rencontres lointaines, et de cette nuit partagée, il n'y a rien.
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En une fraction de seconde, le passé vint le frapper de plein fouet pour le noyer et l’engloutir. Sofia, un tsunami de force dix, cinquante, cent. Il ne savait plus ni parler ni compter; les pensées tourbillonnaient dans son cerveau embrumé et paralysé par la seule vue de cette femme agenouillée sur la moquette à moins d’un mètre de lui. Il n’avait au grand jamais pensé la revoir un jour, ce petit bout de femme, ça non. Il se souvenait l’avoir comptée parmi ses très nombreux étudiants pendant un trimestre, il l’avait tout de suite remarquée à cause de sa fougue et son insolence qui étonnamment l’avaient davantage amusé qu’irrité. Lui qui en général ne supportait pas les têtes de linotte et les grandes gueules… Seulement, cette fille-là n’était pas stupide et ça faisait toute la différence; au contraire, les questions qu’elle posait en classe, les débats littéraires qu’elle suscitait auprès de ses camarades, tout cela prouvait qu’elle irait loin dans la vie et qu’elle était digne de son intérêt à lui, Enoch. Alors en apprenant qu’elle exposait son travail dans une galerie d’art, il s’y était rendu un soir et… the rest was history, comme on disait. Et voilà qu’ils se retrouvaient tous deux à Guernsey, petite île paumée loin de toute civilisation humaine, avec leur passion éphémère et consumée comme unique souvenir.
L’attention de la brune se porta avec une pointe de désespoir, semblait-il, sur le livre qu’il tenait encore, bien qu’oublié momentanément. « Oui, je crois que quelqu’un voulait jouer un tour à la bibliothécaire, je l’ai trouvé caché entre deux bandes dessinées. Imagine le temps que ça aurait pris à la pauvre bibliothécaire pour le retrouver. » Que de palabres et de platitudes. Il ne faisait que retarder l’inévitable. Au bout du compte, ce fut elle qui franchit la frontière entre la vaine courtoisie et la cuisante honnêteté. Il lui en fut reconnaissant. « Ah… Comment dire? Des événements inattendus m’ont forcé à revenir sur l’île de mon enfance pour un moment. » Il ignorait s’il lui avait déjà confié avoir grandi dans ce patelin. Tant pis, ce n'était pas important.
Seigneur, il avait l’impression de l’avoir quittée la veille seulement, alors que plusieurs semaines les séparaient de leur dernière rencontre. Depuis, ils avaient l’un comme l’autre eu le temps de redescendre sur terre et de réaliser que ce fameux soir, ils avaient ensemble franchi un point de non-retour. Pour Enoch, du moins. Jamais il n’oublierait son retour à la maison au petit matin. Sa silhouette déchue et abîmée en proie au froid de l’automne londonien. Le crépitement des flammes dansantes et véloces qui léchaient les murs. Les hurlements inhumains parmi le sombre brasier. Il secoua la tête pour garder contenance. Pas question de fléchir maintenant, devant elle qui plus est. Et pourtant, elle était la seule personne au monde à pouvoir le soulager du poids de sa culpabilité, tout au moins à pouvoir le partager avec lui. Leur fardeau commun.
Pour gagner de précieuses secondes, il replaça le recueil de poésie à sa juste place, puis d’un geste machinal, effleura du pouce son alliance imprimée dans la chair de son annulaire dans le fol espoir de se calmer, de s’ancrer dans la triste réalité. Lui pour qui jamais l’éloquence ne défaillait, il en vint presque à bégayer sous le coup de l’émotion, cette même émotion qu’il était pourtant parvenu à endiguer avec brio ces dernières semaines. « Tu te souviens de ce que je t’ai dit, Sofia? Qu’il ne faudrait parler à personne de cette nuit-là? Parce que ma femme… » Ses mots se bloquèrent dans sa gorge. Au même moment, un chut et un allez parler ailleurs s’élevèrent de concert non loin d’eux. Il laissa échapper un soupir agacé et l’invita d’un mouvement de la tête à le suivre à l’extérieur de la bibliothèque, à l’abri des oreilles indiscrètes.
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Il y a une éternité qui s'étend entre leurs yeux qui se croisent, et leurs prénoms qui s'échangent. Le sien roule sur la langue d'Enoch et ça lui tord les côtes. Elle se le rappelle soufflé dans l'obscurité d'une chambre – et ça tambourine dans sa poitrine. Enoch est une erreur, qui a découlé d'une ivresse terrible, d'un cœur brisé et d'une solitude immense. Elle aurait voulu oublier, Sofia. Elle l'a presque fait. Mais il est là, Enoch, ses épaules larges découpée dans la lumière dorée de la bibliothèque et elle n'a rien oublié. Rien. Elle sourit vaguement, les doigts agrippés au livre. Les politesses sont plates et ne dissimulent rien, mais Enoch fait l'effort, maladroit, ses yeux qui tracent tout, sauf elle. Elle ne cherche pas son regard, Sofia, en dépit de son envie vive d'y trouver les réponses à des questions qui n'ont pas de sens. Est-ce que tu te souviens de tout, toi aussi ? Est-ce que tu regrettes ? Est-ce qu'elle sait ? Elle relève le menton alors qu'il confie être né ici, dans les plaines qui l'ont vue grandir, elle. C'est étrange. La proximité prend un nouveau profil qu'il lui est difficile de nommer. Elle, et lui. A Londres. Ici. 'Oh. Tu as grandi ici, je savais pas.' Les mots glissent dans un silence court. 'Moi aussi,' elle confie dans un battement de paupières, les lèvres qui s'étirent en un sourire amusé. Elle tend vaguement les bras. 'Bienvenue à la maison, alors.' Elle voudrait plaisanter de l'ironie de tout ça, mais quelque chose se coince dans sa gorge parce qu'Enoch n'est pas le même. Il n'est pas l'homme qui a tracé ses courbes, les yeux noirs de l'alcool, le sourire vivant et l'enthousiasme abyssal alors qu'ils parlaient d'art et de littérature autour des premiers verres. Avant la chute. Il lui semble le voir fléchir un instant, un mouvement de l'échine discret qu'elle balaie d'un mouvement de paupières. Elle observe, Sofia, la mesure de ses gestes alors qu'il replace l'ouvrage là où il devrait être. Le silence se creuse et avec lui, les souvenirs. Elle détourne les yeux parce qu'ils percent sa nuque et qu'elle sait que c'est trop. Enoch a le pouce qui frotte son alliance et le retour à la réalité est brutal. Son engagement auprès d'une femme qu'elle connaissait de loin, Sofia, mais qu'elle connaissait tout de même, et elle savait, elle savait qu'il était marié lorsqu'elle a posé ses lèvres sur les siennes. La nausée remonte le long de sa trachée – le dégoût est violent, pour elle, pour lui, pour eux, et l'envie terrible qui remonte le long de son échine. La voix d'Enoch fend les poussières. Ma femme. Le mot prend son temps pour s'enfoncer entre ses côtes. Les murmures s'élèvent et l'obligent à se taire, ils quittent la chaleur du bâtiment et le froid du vent claque sur les joues de Sofia. Et ça fait du bien. 'Elle sait.' C'est déclaré alors que la porte se ferme à peine. 'C'est ça ? Elle sait ?' Elle avance sur le béton et se tord les doigts. 'Merde. Comment elle a su ? Tu lui as dis ?' Son souffle s'agite et elle fait volte-face pour le regarder. La culpabilité se répand sur ses bronches et ses mâchoires se serrent. 'On a tellement merdé.' Les mots filent, vifs, entre ses lèvres – et il n'a le temps de rien dire, Enoch, même si elle voit ses épaules qui s'abaissent et sa gorge qui se serre. Alors Sofia se tait, finalement, recule d'un pas. Lui laisse de l'air – lui laisse faire ce qu'il veut de tout ce qui les bouffe.
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Un sourire malingre naquit sur son visage pâli par le vent salin qui battait l’air, à l’extérieur de la bibliothèque. Ils marchaient côte à côte, Sofia et Enoch. De vieux gamins qui avaient mûri sur une île égarée au milieu des vagues froides et traîtresses. Deux êtres opposés que la vie avait fusionnés une nuit, puis séparés quelques semaines, puis réunis en cette journée des plus banales, à des années-lumière de la capitale. Il ne pensait pas la revoir, cette jeune femme, oh que non. Il avait cédé à ses charmes, à moins que ce ne fût elle qui ait cédé aux siens, sans vraiment penser aux conséquences, l’alcool comme moteur de leur innocente débauche. S’il avait su que cette même nuit, il perdrait la femme qu’il avait juré devant les dieux d’aimer jusqu’à sa mort, sans doute se serait-il contenté d’un banal jeu de regards et de sourires suggestifs, rien de plus, avant de rentrer chez lui sans demander son reste. Mieux encore, sans doute serait-il resté à l’appartement pour y périr aux côtés d’Evelyn, leurs deux corps collés l’un contre l’autre dans une brûlante étreinte. Leur dernière.
Ou peut-être pas. Il était trop facile d’imaginer les comment et les pourquoi une fois la tragédie achevée et le rideau tiré, trop égoïste aussi de se donner le rôle du héros éploré alors qu’on n’était qu’un vilain incriminable. Mais l’histoire n’était-elle pas écrite par le vainqueur, et par là même les survivants? Enoch était un survivant. Lui seul pouvait réécrire les péripéties de cette nuit-là, ses tenants et ses aboutissements; lui seul pouvait prétendre qu’il aurait agi de cette manière et pas de telle autre si le destin lui avait souri plutôt que de lui rire au nez. De toute façon, toutes ces élucubrations étaient vaines et puériles, qu’une façon détournée d’apaiser ses remords, ceux-là mêmes qui rongeaient son myocarde pétri par le chagrin et sans pitié aucune depuis cette fatale nuit d’octobre. Et il essayait de les apaiser, ces démons-là, il essayait. Il essayait.
Quelques secondes après que la porte se fût refermée sur leurs deux silhouettes, la sentence tomba. Ou plutôt, ce que Sofia considérait comme une sentence : continuer à vivre tout en sachant qu’elle avait aidé à détruire un couple pourtant heureux, si heureux — en apparence. Enoch lâcha un rire sans joie, incapable de le retenir du bout des lèvres; elle ignorait qu’il y avait eu bien d’autres Sofias par le passé. Et chacune d’elle, à présent, tournait le fer dans la plaie jusqu’à ne plus laisser qu’un trou béant et sanguinolent dans sa chair à vif. Soudain fatigué, il s’adossa contre le mur du bâtiment qu’ils venaient de quitter pendant que la peintre esquissait des arabesques de terre de ses bottes, à force d’aller et de venir. Puis elle s’immobilisa, le regard ancré dans le sien, tous deux imprégnés de culpabilité. « Non, c’est moi qui ai… qui ai merdé, » souffla-t-il enfin, le visage tourné vers le ciel dans l’espoir d’une absolution qui jamais ne viendrait. Rarement se laissait-il aller à la vulgarité; il valait mieux que ces bassesses qu’éructaient seuls les petites gens. Mais l’émotion le submergeait et il était prêt à tout pour ne pas sombrer dans les abysses qui s’ouvraient soudain à ses pieds. Il jeta un regard presque désespéré à la jeune femme qui se tenait là, à quelques pas de lui, dont il connaissait le corps, mais pas l’âme.
Sa main explorait la forme d’une hanche.
« Elle ne sait rien. »
Sa bouche découvrait la texture d’un sein.
« Elle ne saura jamais rien. »
Au loin, un corps nimbé de flammes.
« Elle est morte. »
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Elle tremble, Sofia. Elle tremble parce qu'il y a Enoch et ses yeux clairs et la sensation de sa peau encore sous ses doigts, et toute la culpabilité qu'il fait remonter de son ventre lorsqu'il la regarde. Elle souffle, roule des yeux et croise les bras. Elle a froid, du vent, des souvenirs, et de cette rage qui s'épand sur ses bronches. 'J'étais là. Le sexe s'est fait à deux, si je me rappelle bien. Et je savais que t'étais marié.' C'est amer sur sa langue, pour lui, pour elle, pour cette nuit-là qu'elle regrette – et pourtant, pourtant, elle y revient sans cesse. Elle doute, se mord la langue sur la réalisation infecte qu'elle le ferait à nouveau, parce qu'elle s'est sentie moins seule entre ses bras – terriblement attachée à la vie qui crève entre ses côtes depuis qu'Owen est parti. Et désormais, le secret n'en est plus un. Elle le devine aux yeux d'Enoch qui se débattent sur le vide, le pli de ses lèvres et elle sait, elle sait, Sofia, que le rideau est levé et qu'ils sont à nu sous les yeux d'une épouse à qui il a promis. Enoch s'appuie contre le mur, et Sofia reste là, les bras ballants, le souffle court. Et maintenant? Et maintenant, rien. Juste le vide d'une trahison immonde et les plaies qui viennent avec. Leurs yeux se croisent, la sentence tombe. Elle ne sait rien. Sofia le croit parce qu'il y a son regard qui lui crie qu'il dit la vérité. Elle ne saurait jamais rien. L'inspiration se retient dans sa gorge – elle retient un soupir de soulagement, ça envoie un frisson de dégoût dans son ventre.
Elle est morte.
Le monde vacille et Sofia redresse l'échine. 'Quoi ?' C'est écorché sur sa langue. Morte, morte, morte. Le mot tourne et le sol avec. 'Comment ça ?' La question est absurde. Elle est morte. Il n'y a rien à dire de plus sur la fin. Ses genoux flanchent alors Sofia s'accroupit. La nausée est vive et la prend à la gorge. Elle glisse les paumes dans ses cheveux, tire la peau de son visage, les doigts sont tremblants et le cœur aussi. Il y a un silence qui dure une éternité. Mille ans d'une attente violente, parce qu'elle voudrait parler mais ne peut pas. Elle ne peut pas. Son épiderme est douloureux des secousses de la charge. Sa vue se trouble – elle pleure et c'est risible. Ses jambes pliées lui font mal, mais tant pis, parce qu'elle n'a pas la force de tenir debout. L'égoïsme est acharné, elle pense à son cœur qui se fend mais pas à celui qui, dans son dos, a éclaté bien avant le sien. Morte. Enoch est veuf – l'idée lui scie les côtes et Sofia frotte son visage avec trop de brutalité. 'Quand ?' C'est écœurant de force, alors elle serre les paupières et tourne le menton, juste assez pour deviner sa silhouette, mais pas de quoi affronter ses yeux. 'Pardon. Je suis désolée.' La politesse est soufflée dans l'air froid, et si les mots sont mécaniques, ils sont pleins d'une sincérité maladive. Sofia se relève et garde un équilibre approximatif. Les deux pas qui les séparent sont trop difficiles, alors elle reste là, dans l'ombre de lui que le soleil timide projette contre le béton. 'Est-ce que…' Elle grince des dents. Elle ne connaît de lui que ses lèvres et l'assurance de ses mains. Elle n'a pas le droit de poser de questions. 'Est-ce que ça va ?' Elle plisse le front, recule. Elle s'inquiète et c'est étrange, parce qu'il n'est rien qu'un corps parmi d'autre, auquel elle a offert quelques heures et la chaleur de sa peau. Pourtant, pourtant, l'ombre dans ses yeux est douloureuse à supporter. Mais elle ne lui laisse pas le temps de répondre. 'Désolée, c'est pas… Je devrais pas. Désolée.' Elle relève les mains, recule, encore. Et maintenant? Et maintenant les plaies restent ouvertes, et c'est tout.
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Il aurait éclaté de rire si la situation n’était pas si grave et dramatique. Ri de l’aisance avec laquelle elle s’exprimait sur la nuit qui s’était révélée être le point tournant de son entière existence et qui l’avait poussé à revenir, tête penaude, sur la terre de son enfance. Car elle ne savait pas, elle ne savait rien. Elle continuait sa vie comme si de rien n’était. La bienheureuse ignare. Et voilà qu’il surgissait entre les rangées d’une bibliothèque pour lui annoncer la mauvaise nouvelle, véritable corbeau de malheur. Il aurait sincèrement voulu la tenir dans l’ignorance et la laisser vagabonder, candide, entre les arbres hivernaux de Sylvia Plath. C’eut été tellement facile. Mais il demeurait un être profondément égoïste, comme le lui avaient rappelé ses récentes retrouvailles avec sa sœur, et il ressentait le besoin de partager son calvaire avec quelqu’un qui pourrait réellement le comprendre. Pas un psychologue ou il ne savait quel spécialiste de la cervelle humaine, non. Quelqu’un qui avait bel et bien merdé cette nuit-là, pour reprendre l’expression. Quelqu’un comme Sofia.
Alors il lui révéla la pathétique tragédie qu’était sa vie, chacun de ses mots comme une énième aiguille venant percer son myocarde encore un peu plus profondément. Il espérait presque que son organe défaille et qu’il crève comme un ballon de baudruche, ne fût-ce que pour se libérer de son enfer terrestre. Il eut à peine conscience de la défaillance de Sofia non loin de lui tant il se concentrait pour ne pas flancher en sa présence, par pur orgueil. Il ignorait s’il devait blâmer son éducation sexiste ou la société qui l’était tout autant sinon plus, toujours était-il qu’il haïssait pleurer devant quelqu’un. La dernière fois remontait aux funérailles de son père, égaré en mer pour ne plus jamais toucher terre, vingt ans plus tôt. Et ça lui convenait parfaitement. On s’attendait à ce que les hommes pleurent devant la tombe d’un proche; le contraire paraissait inusité, même inhumain. Mais à la sortie d’une bibliothèque? Absurde. Stupide. Vain.
Les sanglots à peine étouffés de la jeune femme le ramenèrent à la réalité. Accroupie sur le sol froid, presque gelé, elle pleurait si fort qu’il eut l’impression qu’elle pleurait pour eux deux. Sofia, la martyre de Guernsey. La gorge si nouée qu’il fut surpris d’être capable de lui répondre, il murmura : « La nuit de ton exposition. La nuit où nous avons couché ensemble. » Peu importait la date, pour Enoch. Ça pourrait faire quelques mois ou quelques années. Pour lui, ça ne ferait toujours que quelques minutes que son Evelyn avait sombré dans les flammes. Il toisa son ancienne étudiante, encore agenouillée. Elle était désolée? Désolée? Il eut soudain l’envie de l’accuser du drame pour déverser sur elle tout le venin qu’il réservait pour sa propre personne, les nuits où il guerroyait contre ses insomnies. C’était à cause d’elle qu’il était sorti ce soir-là. Elle et sa fichue exposition qui n’intéressait personne. Sans elle, il serait sagement resté auprès de sa femme. Peut-être se serait-il réveillé avant que l’incendie ne prenne d’assaut leur immeuble? Peut-être Evelyn serait-elle même encore à ses côtés si ce n’était de l’artiste ratée qui lui offrait aujourd’hui ses pathétiques excuses.
Par chance, sa rationalité triompha de ses émotions et il tint sa langue sur le sujet. Sofia venait de se relever tant bien que mal; son corps semblait si frêle à cet instant que le vent aurait pu la faire basculer de nouveau, il en était certain. Sa question le laissa interdit. « Allons, tu dois te douter un peu de la réponse, » la tança-t-il comme s’il avait affaire à une étudiante particulièrement bête. Car enfin, comment pourrait-il bien aller? Son ancienne vie n’était que cendres et vapeur. Ne serait plus que cela, désormais. Comme pour le lui prouver, la cruelle Sofia exécuta quelques pas en arrière, prête à le laisser seul avec ses tourments. Alors sautant à pieds joints sur son amour-propre, il s’avança vers elle, titubant. Il leva la main comme pour la retenir et hoqueta, la voix vacillante : « Sofia, non, je… Je t’en prie. J’ai besoin de… quelqu’un. Tu es la seule qui puisse comprendre. » Il ne savait pas ce qu’il ânonnait. Il avait perdu toute notion du temps et de l’espace. Seule lui importait Sofia. Et lui. Sofia et lui. Et le crime qu’ils avaient commis. « Ne t’en va pas, je t’en prie. Pas toi aussi. » La dernière prière adressée à l’ange de chair et de sang dont seules les mains, lui semblait-il dans sa folie, pouvaient absoudre sa carcasse repentante.
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Le souffle est coupé de la violence des mots. Elle est morte et tout revient, plus clair encore. Le goût de whisky sur la langue d'Enoch. La prise ferme de ses mains sur ses hanches. L'ivresse commune qui a flouté la culpabilité. Mais elle est morte – ce soir-là, alors qu'ils agrippaient les draps et mêlaient les peaux. Elle est morte. Sofia se relève, serre les mâchoires, c'est brutal et douloureux. 'Putain.' C'est soufflé dans le vent, les paupières restent closes. Elle est incapable de faire face à Enoch pour l'instant, parce que ses yeux sont rougis et ses joues humides et qu'elle a honte, d'être détruite à sa place. Elle a honte, de s'effondrer alors qu'il reste de marbre. Alors qu'il tient, lui. Sofia voudrait tendre la main, relever ce visage tiré dans lequel elle voit la résistance. La résilience – ne pas tomber devant les autres. Seul, peut-être. Mais pas devant elle, pas devant le monde. Elle voudrait tendre la main mais ne le fait pas, parce que le geste serait déplacé – et que sa question est idiote. Bien sûr, qu'il va mal. Sofia hoche la tête et plisse les paupières. Il y a ce ton franc qui scie la langue d'Enoch, l'insolence de ses yeux noirs, le jugement des mots. Il y a son ego qui s'offusque, et ses lèvres qui se pincent – Sofia recule, parce qu'elle espère, peut-être, que la fuite apaisera la douleur. Elle recule et l'au revoir reste suspendu sur ses lèvres. Enoch bouge, s'approche, vacille sur le béton. Sa voix est lointaine, sa main tendue. Sofia le regarde, trop longtemps peut-être, prise de court par la vision de cette homme vulnérable dont chaque morceau de l'être semble s'effriter dans la brise. Il supplie, Sofia s'arrête. Sa gorge est nouée parce qu'elle ne sait pas, elle ne sait pas ce qu'elle doit faire, ce qu'elle veut faire. Ils partagent une nuit obscure devenu secret qui martèle les côtes. Pas toi aussi. Ça suffit à faire disparaître le reste – le vent froid et le béton dur et le silence au-delà de la porte et le monde, le monde, le monde. Sofia franchit les trois pas qu'elle a pris pour s'éloigner, parce qu'elle ne peut pas le regarder tomber et ne rien en faire. Elle ne peut pas. Elle scrute de ses yeux vifs ces traits si différents de ceux qu'elle connaît, a connu ; la respiration est courte, saccadée, striée dans ses bronches qui râlent du manque d'air. Mais ses poumons obligent. Sofia hésite, un moment, puis ses doigts trouvent ceux d'Enoch, les frôlent, à peine, remontent le long de sa manche et attrapent le tissu rêche de sa veste. Le contact est lent et étrange et douloureux. Elle ne sait pas ce qu'elle fait, Sofia. Lorsque sa paume trouve son épaule, Sofia expire, enfin, serre le muscle de ses doigts fins. Et son front trouve celui, froid, d'Enoch, dont l'échine courbée le fait paraître si vulnérable qu'il semble que, dans une brise, il pourrait disparaître. 'Je ne pars pas.' C'est murmuré là, entre leurs deux visages, dans l'espace clos de leurs souffles qui se mêlent. Assez près pour le voir – trop loin pour le toucher. 'Enoch, je ne pars pas.' C'est tremblant et peu assuré mais terriblement sincère. Il y a un moment d'hésitation, de chaos intérieur. Il y a ce qui revient, ses lèvres, sa peau, son étreinte, la solitude disparue le temps de quelques heures. Il y a ce qu'elle omet, l'erreur, l'alcool, la tragédie. 'Allons boire un verre et se mettre au chaud.' Le cœur se serre violemment parce qu'elle sait, Sofia, elle sait que c'est ainsi que la première chute a été déclenchée. Et prendre le risque à nouveau est stupide et absurde et irresponsable. Mais tant pis, tant pis. Elle attrape son bras, le guide, silencieuse, jusqu'à sa voiture. Le trajet est court jusqu'à chez elle, les marches grincent sur leurs pas et le tintement des clés résonne dans le couloir. Sofia jette son manteau sur le canapé, invite Enoch à s'y asseoir d'un geste vague de la main. Elle s'arrête près du meuble, réalise que l'état de l'appartement reflète le chaos qu'est sa vie et le rouge lui monte aux joues, parce qu'elle a honte. De ce qu'elle est, de ce qu'elle fait, de ce qu'elle veut. Elle tend le verre de whisky cheap à Enoch, lui offre un sourire tordu. 'C'est ce que j'ai de mieux, désolée.' Et elle siffle son verre là, debout contre la table basse, immobile et confuse. 'On peut en parler, ou ne pas en parler. Tu peux rester ici, un peu. Ou tu peux partir, si tu veux.' Elle donne le choix mais ses yeux supplient pour elle. Reste. Parce que la solitude reprend ses droits au creux de ses côtes. Et elle a peur, Sofia, de ce qu'il arriverait si ils venaient à se séparer maintenant.
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