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En cette fin d’avant-midi, tandis que le soleil approchait de son zénith dans le ciel camouflé çà et là d’épars nuages noirs, la mer ronronnait. Au pied des falaises imposantes, les vagues roulaient sans relâche, avec la régularité d’un métronome, avant de s’écraser dans un tourbillon d’écume contre le sable et les rochers. Dans ce tableau digne d’une carte postale, un homme aux cheveux sombres, plaqués sur son crâne par le vent sauvage et salin, s’aventurait sur le maigre sentier de terre qui serpentait jusqu’à une petite plage protégée des regards indiscrets. Car pour pouvoir l’emprunter, ce sentier, il fallait le connaître. Les quelques touristes qui passaient par là ne l’empruntaient pas, jamais. Il aurait fallu pour cela qu’ils défient les hautes herbes qui poussaient de tous côtés dans un chaos ordonné. C’était un lieu secret bien gardé des locaux, qu’ils entendaient emporter dans leurs tombes.
Notre homme, qui n’était ni un touriste ni un local, dévalait pourtant le sentier avec l’émerveillement du premier et l’assurance du second. Une véritable énigme, cet homme vêtu d’un manteau noir d’une lointaine contrée. Un point d’interrogation pour les insulaires, qui comméraient volontiers par ennui ou malveillance — ou peut-être tout cela à la fois — à toute heure du jour ou de la nuit. Pourquoi l’aîné des Madsen, jadis disparu des radars, refoulait-il tout à coup le sol de la mère patrie? Oui, pourquoi donc? Qui plus est, après des années à errer, solitaire, parmi les gratte-ciels et les réverbères? C’était à n’y rien comprendre. À vrai dire, le principal intéressé ne connaissait même pas la réponse, tout au plus se laissait-il guider par ses émotions, pour une fois dans sa vie. Il sentait qu’il devait renouer avec les siens avant qu’il ne soit trop tard. Alors il revenait là où tout avait commencé. À Guernsey.
Les mains enfouies dans les poches de son manteau, l’homme bravait l’approche de la tempête qui grondait à l’horizon. Il le devait. Il se l’était promis. Il n’avait que trop repoussé l’échéance, ces derniers jours. Le temps lui était pourtant compté. Chaque journée passée loin de sa famille, celle qui lui restait, enfonçait un peu plus les remords dans sa chair. Bientôt, il en serait complètement transpercé et, vaincu, tomberait à genoux, à la manière d’un soldat criblé de flèches ennemies. Sot! Sot! Sot! Même les mouettes au-dessus de sa tête semblaient le lui crier. Il n’était cependant pas trop tard pour lui. Il l’espérait, du moins. Sans s’en rendre compte, il pressa le pas; devant ses yeux plissés par le soleil se dessinait peu à peu la plage de galets de son enfance. Une silhouette solitaire, ombragée par les falaises environnantes, observait la mer. Dos à lui. En silence, elle se recueillait, encore inconsciente de la présence de son aîné. Alors il l'appela d’une voix rauque, éraillée par son mutisme prolongé des dernières années : « Je me doutais que je te trouverais ici aujourd'hui. Je... C'est moi. Ton frère. Enoch. » Au loin, le tonnerre mugissait, prélude aux retrouvailles des orphelins Madsen.
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Vingt ans. Gray aurait préféré oublier la date. Elle aurait préféré ne pas ressasser le terrible anniversaire. Sa mère avait lancé la coutume de son vivant, et pour une raison ou une autre, Gray l’a perpétuée. Il y a longtemps que l’espoir de voir revenir le père disparu s’est évanoui. Il n’y a plus vraiment de but à ces rendez-vous avec la mer, la mer qui a tout pris, la mer qui lui manque tant mais elle n’ose plus lui faire confiance. Trahie par la seule qui ait jamais entendu et compris ses tourments. Plus qu’un “pourquoi l’as-tu pris”, c’est un “pourquoi m’as-tu laissée là” qui rythme désormais ce recueillement annuel. Parfois, elle a un peu peur de virer aussi folle que sa mère. C’étaient sûrement des pensées similaires qui tournaient dans sa tête quand elle s’est échouée sur les rochers. Sa mère, elle avait eu une force que Gray n’aurait jamais : elle n’avait pas craint la mort. Alors qu’elle la redoute tellement qu’elle la précipite sûrement à vouloir vivre, tout vivre, trop vivre. Éviter les flots n’évitera pas sa perte. Sa perte, elle est peut-être dans la bouteille de gin bon marché qu’elle a emmenée avec elle, gilet de sauvetage au cas où, au cas où quoi ? En tout cas, elle y a à peine touché, pour une fois. Assise là sur les galets, le vent dans les cheveux, l’esprit rempli des cris des mouettes et du ressac, l’alcool ne lui sert qu’à se réchauffer quand le froid la saisit trop. L’air frais qui lui fouette le visage lui a rosi les joues. Qui aurait cru qu’elle serait encore là, vingt ans après ? La dernière Madsen encore debout sur cette île. Certainement, elle-même n’y aurait pas cru.

Elle sursaute quand une voix la tire de sa contemplation silencieuse et saute sur ses pieds. Sur le qui-vive, comme si l’homme qui se tient là représentait un danger et pourtant, pourtant - elle ne se sent pas proie. Sa présence est presque familière, amène de ces relents de souvenirs sur lesquels on ne parvient pas tout à fait à mettre le doigt. “ Who the h-...” Mais Gray n’a pas le temps de terminer sa question qu’il y apporte déjà la réponse. L’inconnu n’en est pas un. Au mieux, un revenant. Sa mâchoire se décroche et elle cherche les mots, ces mots qu’elle a imaginé lui dire tant de fois dans son enfance mais qu’elle a oublié depuis des années. Vingt ans qu’elle a vécu sans lui. Vingt ans qui ont effacé de sa mémoire tous les scénarios de retrouvailles qu’elle avait peints sur la toile noire de nuits sans sommeil, au point qu’elle aurait presque pu se croire enfant unique. Alors elle bégaye des syllabes dépourvues de sens jusqu’à qu’une phrase cohérente parvienne à sortir. “Beg your pardon but what the fuck ?” A une époque, elle aurait certainement pu lui envoyer une gifle méritée pour son départ silencieux, pour son absence toutes ces années, mais aujourd’hui la rancœur n’est plus de mise. Il y a prescription. Elle n’a pas non plus réellement envie de lui sauter au cou car elle ne connaît plus l’homme en face d’elle, tout comme il ne connaît plus la personne qu’elle est devenue. Il a quitté une adolescente, il retrouve un naufrage. Alors Gray se balance d’un pied sur l’autre dans un silence pesant, tentant de se donner une contenance. De savoir quoi faire. Quoi dire. Rien ne lui vient. Il y a trop de choses à dire et à la fois pas assez. Alors elle se raccroche à sa bouée habituelle, avance de quelques pas avec prudence, comme on s’approcherait d’un animal sauvage qu’on craint de faire fuir, et lui tend la bouteille de gin. “Well, since you’re here. Fancy some ?” Après tant d’années, ils devaient bien avoir au moins ça en commun ?
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Il redoutait le moment où la silhouette prostrée sur les galets se retournerait vers lui, tous ses sens attirés par la voix à la fois familière et inconnue dans son dos, celle d’un frère depuis longtemps enterré dans les méandres du temps. Enoch ne la connaissait pas plus qu’elle ne le connaissait, lui. Malgré les liens sanguins qui les unissaient, ils demeuraient deux parfaits inconnus qui avaient à une autre époque échangé jeux et sourires lors de quelques après-midis. Rien de plus. Et il craignait la réaction de l’enfant qui avait grandi loin de lui, par sa faute. Sa petite sœur maintenant adulte, assez mature pour comprendre que ça ne se faisait pas de revenir d’entre les morts juste quand la fantaisie lui en prenait ou, pire encore, par pur égoïsme. Mais égoïste, Enoch l’était sans l’ombre d’un doute. Pour avoir disparu du jour au lendemain sans de plus qu’un signe de tête en direction de sa mère malade et de sa sœur ingénue, bien sûr qu’il l’était. Tout comme il l’avait été vis-à-vis de la femme à l’annuaire de laquelle il avait glissé une bague des années plus tôt, et qu’il avait trahie de la pire des façons, et ce, à maintes reprises. Égoïste, sale égoïste. Seule lui restait la jeune femme encore inconsciente de sa présence dans son dos.
Gray. Parce que par sa faute et celle de l’entité que l’humanité se plaisait à surnommer destin, si tant est qu’on crût à une chose pareille, elle avançait à tâtons dans un monde monochrome, dépouillé de toutes couleurs.
Elle le dévisageait. Dans ce moment qui aurait pu être auréolé d’étreintes et d’embrassades fraternelles si la scène s’était déroulée entre les pages d’un livre ou sur l’écran d’une salle de cinéma, les Madsen s’élevaient au-dessus des conventions sociales selon lesquelles fixer du regard la personne en face de vous un peu trop longtemps relevait de la grossièreté. Au diable tout cela. Ne restaient que l’incompréhension et l’incrédulité d’un côté, l’amertume et la morosité de l’autre.
Sans crier gare, la vérité, triste et immuable, surgit entre eux pour mieux les séparer ou mieux les rassembler, deux sentences toutes aussi probables l’une que l’autre, mais que seule pouvait prononcer Gray. Et l’attente le tuait à petit feu.
À sa question, Enoch lâcha un rire bref, presque un jappement. Il aurait dû se douter de la réaction qu’aurait la jeune femme en le voyant débarquer de nulle part, comme un diable jaillissant de sa boîte. “Do you remember how Dad would scold you for being so vulgar? Because I most certainly do. His face would turn red in mere seconds. God do I miss that face.” Rien qu’avec ces mots et ce ton quelque peu pompeux, Enoch venait de leur rappeler à tous deux qu’il ne pourrait jamais se tailler une place sur cette île où existence rimait avec simplicité. Il était comme un coup de pinceau mal placé dans un chef-d’œuvre, le défaut qu’on apprend à tolérer avec le temps, mais qui ne cadre pas avec le reste de la toile. Gray le savait, tout Guernsey le savait.
Enfin, pour son plus grand plaisir, la voix de sa sœur sembla s’adoucir et prendre un accent de résignation. Elle lui tendit sa bouteille, qu’il n’avait jusqu’alors pas remarquée. Il retint une grimace de dégoût à l’idée que leurs lèvres touchent le même goulot. Ce n’était guère le moment de faire un commentaire déplacé sur les us et coutumes de l’île, où quiconque partageait ses biens sans la moindre arrière-pensée. Guernsey était véritablement la capitale de la bienveillance. Ce devait être pour ça qu’il n’y était pas resté. “No, thank you. Are you seriously going to drink this, though? It’s not even 11am yet.” Vieil instinct de frère aîné? Peut-être. “Not that I’m blaming you. Today’s a tough day, to say the least.” Mais il comptait la passer à ses côtés, si elle l’y autorisait. Les mains dans les poches de sa veste, ses yeux interrogèrent les siens, avec le roulement des vagues comme seule musique.
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La surprise peine à s’estomper. Gray tente de s’y faire mais à chaque fois qu’elle tente de comprendre l’information, elle la surprend de nouveau. C’est moi. Ton frère. Enoch. Elle aurait pu croire à une mauvaise blague mais elle n’avait pas douté une seconde de ses mots et c’est la preuve, il lui semble, qu’ils sont réels. Gray met tout en doute. Gray se méfie de tout le monde. C’est comme ça qu’elle survit. Et là, elle ne conteste pas que son frère soit bien présent devant elle. Lui parle. Rie. Evoque des souvenirs. Comme s’il était parti hier, comme s’il était parti chercher du pain, et qu’il venait juste de rentrer. Vingt ans, c’est long pour du pain. En ce qui concerne Gray, il aurait tout aussi bien pu être mort, elle n’en aurait sûrement rien su. Alors elle ne doute pas que cet homme-là soit bien son frère. Elle peine seulement à saisir la réalité du fait. Il n’y a pas de doute, elle n’a pas oublié les remontrances du patriarche quand elle parlait comme lui, et Enoch non plus, alors elle lui offre la même réponse qu’elle offrait à leur père à l’époque. Elle hausse les épaules. Crie si tu veux, tu ne me changeras pas. Sauf qu’Enoch ne crie pas. Enoch est juste debout là. Avec le même air et le même ton qu’autrefois, un air d’ailleurs. Un air de ne pas être à sa place. Il avait toujours été trop bien pour cette île. Trop bien pour les vulgarités, trop bien pour le gin à n’importe quelle heure du jour. Trop bien pour cette famille. Trop bien pour elle, et cette simple pensée la révolte. “Gee, you really going to show up after twenty goddamn years and tell me to stop swearing and drinking? What are you, Jiminy Cricket?” Elle hausse les épaules. “Keeps me warm. And sane. Or so I thought until you appeared there,” ajoute-t-elle avec un semblant de sourire. Elle ne peut se départir d’un sentiment d’étrangeté. Celui de converser avec un fantôme. Le décor serait plus que propice, ciel mer et galets monochromes, le grondement annonciateur d’une tempête au loin, personne n’aurait été surpris de tomber sur un revenant dans ces circonstances. Et Enoch est bel et bien revenu. Au moins elle est certaine de ne pas avoir assez bu pour l’halluciner, ce qui ne l’empêche pas de sentir l’étreindre une terrible envie de tendre le bras pour toucher le sien. Juste pour vérifier qu’il est réellement là. Alors c’est ce qu’elle fait. Le contact est fugace, se fait à bout de bras, et Gray s’étonne presque de ne pas voir sa main le traverser. Mais il est bel et bien solide. Et derrière le voile des années, il lui semble reconnaître son regard. Elle fait un pas de côté, un peu gênée. Si elle peine à le reconnaître, alors quel spectacle doit-elle lui présenter ? Comment se rappelle-t-il d’elle ? Elle n’est plus l’enfant qu’il a laissé derrière lui. Elle se demande si, comme elle, il parvient à distinguer sur son visage la trace d’un souvenir. Insaisissable. Pour masquer son embarras, elle se détourne et se rassoit. Tapote les galets à côté d’elle, comme pour l’inviter à faire de même. Le geste aurait pu lui demander une force surnaturelle, celle de prendre le risque qu’il tourne les talons et ne revienne jamais, mais ce n’est pas le cas. Il est parti si longtemps que cela ne changera plus rien s’il la quitte de nouveau. Depuis le temps, Gray a compris que le départ de son frère n’était pas son échec à elle. “So you miss Dad, eh?” Il y a des années de colère adolescente derrière cette phrase, et moi je ne te manquais pas ? Pas assez pour que tu restes ? Pas assez pour que tu m’emmènes ? Pas assez pour que tu m’envoies une carte postale pour mon anniversaire ? Mais le ton et l’heure ne sont plus aux reproches. “ I wish I missed Dad. And Mum. I mean, I do, sometimes. But when I do, then I realise that before, I mean right before, I wasn’t. Started as just seconds. Seconds of forgetting them. Then it turned into minutes, then hours. Never days though. It’s funny, eh? How I used to try so hard to stop missing them, to stop thinking about them, and couldn’t. And now I feel guilty when I forget to miss them.” Elle lance un regard à son frère. Son frère qui est là. C’est bien plus qu’elle n’a jamais dit à personne. Peut-être parce que personne ne pouvait l’entendre, personne ne pouvait le comprendre jusqu’à lui, jusqu’à ce qu’il arrive. Bien sûr, nombreux sont ceux qui ont perdu un ou deux parents, mais ce n’était pas leurs parents. Leurs parents, eux seuls peuvent savoir ce que c’est de les perdre. L’un après l’autre. Eux seuls, ces deux seules âmes érodées sur les galets, face à la mer, eux seuls au monde savent.
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