traverser la pluie (ariel)

traverser la pluie, ft. ariel cusack

battement aux fenêtres, à faire flancher les ampoules d’un bar où janvier ne peut imposer sa lumière fanée. nuages gris, ciel maussade, matin en demi-teinte -- et la pluie sublime les rues désertes d’un doux rideau glacé. le regard s’éternise là, sur la double porte à la vitre salie où de rares silhouettes pressent le pas sous la pluie, la voix de mcguill bourdonnant ses éternels commérages. joli concert auquel se joignent d’autres gars au comptoir ; rien que kai n’ait entendu la veille, et les jours précédents… on croirait presque que la ville s’est laissée figer dans le temps.

ça tape contre le bois, juste devant lui. la tasse est fumante. il dodeline un merci. retire un gant humide, sèche le gros de sa paume contre la toile de son jean avant de cueillir la tasse dans la coupe de ses doigts -- ça brûle aussi fort que l’épiderme était froid.

soudain les bavardages reprennent de plus belle, esprits échauffés par le verre de piquette et le petit bout de femme qui vient de pointer son nez : juste là, tout contre la devanture du restaurant d’en face, vaguement protégée par le store malgré le crachin qui s’engouffre en biais. ariel, ses boucles de jais éparses sur les épaules haussées, apparition tenant encore du rêve plus que réalité. grand retour de l’enfant prodigue ! les langues se délient trop vite dans son sillage, et kai lui-même ne sait encore qu’en penser.
les orbes s’accrochent ; il sourit, pourrait jurer que l’océan s’illumine sous le froncement de ses sourcils.

un geste de la main, pour l’inviter à s’asseoir avec lui,
juste un peu.

suffit de traverser la pluie.

@ariel cusack

vain qu'est d'éviter les gouttes - elles ruissèlent contre cette silhouette fugace qui s'élance jusqu'au commerce d'en face. les mains tentent bien de protéger les mèches sombres déjà humides, la chemise constellée des traces sinueuses de l'eau.. la jeune femme trouve pourtant une certaine poésie dans cette course effrénée perdue d'avance! atteignant la devanture, ses yeux clairs scrutent par delà la buée. oui; le bel enfant y est toujours installé. lippes forment face aux regards qui se croisent, un sourire léger.

abandonnant dans la froideur ce brin de nostalgie aux allures de nuages tendres elle se glisse à l'intérieur du bar. visage s'agite; virevoltent encore quelques notes de pluie. ariel s'avance d'un pas assuré vers son acolyte passé, chaleur du lieu s'étalant du corps au cœur. la main doucement se pose sur l'épaule - la serre délicatement (comme pour mieux ressentir l'instant présent).

-"hey."

à croire qu'il suffisait de traverser la pluie !
pour que nous soyons de nouveau réunis.

-"qu'est ce que tu bois?"

nez sans préambule passe au dessus de la tasse, comme si la noirceur de la boisson n'avait pas pu répondre à ses interrogations. la serveuse s'assoit à côté de son ami (oui… n'est-ce pas qu'elle peut encore le qualifier ainsi?)

-"je m'attendais à plus surprenant venant de toi. même chose pour moi s'il te plaît mcguill."

frisson la parcourt ; contraste pour réconfort.

-"tu sais quoi? j'ai cassé seulement deux assiettes aujourd'hui… elle me réussit cette journée. et toi? comment tu vas ?"

coudes se posent sur le comptoir, visage tourné vers kai. dans lees traits du garçon - malice est toujours nichée ! accompagnée d'un petit air blasé. peut-être qu'avec l'âge celui-ci est venu à s'imposer.. sans que le magnétisme! jamais; ne vienne à succomber.


@kai muller