l'automne aura bientôt tout emporté. (garlic)

@Garlic Dayman

l’automne aura bientôt tout emporté, elle se dit blanche. les feuilles, déjà jaunissent sur les arbres et si dedans elles ne tomberont pas, dehors elles craqueront bientôt sous ses pieds. devant la porte de la caravane, figaro la regarde comme pour dire « il faut en profiter ». elle hoche la tête, enfile un pull et des bottes de pluie, tu as raison.

dehors, le vent souffle et le ciel ne s’est pas découvert depuis plusieurs jours. mais blanche ne lui en veut pas, ne peut pas se le permettre, elle qui parfois reste des semaines dans sa caravane rouillée. aujourd’hui elle se sent forte, la tête ne tourne pas, les pieds et les mains obéissent et dans ses oreilles, le sifflement semble se calmer, comme intimidé par celui produit par le vent. octobre sur l’île lui convient, à vrai dire, elle le préfère peut-être aux mois d’été. oui, octobre lui ressemble avec ses mauvais jours et ses nuits rallongées. et puis automne qui lentement se fait sentir crée un sentiment d’urgence, quelque chose de vivifiant, comme un rappel que bientôt tout sera emporté et qu’il faut, explorer l’île tant qu’elle est parée de ses plus beaux atouts naturels.

figaro dès qu’elle a ouvert la porte s’est empressée de grimper dans le panier d’osier fleuri placé à l’avant du vieux vélo, blanche sourit. très bien, on prend le vélo alors…. elle dépose à côté de lui, les quelques provisions qu’elle a pu trouver à l’intérieur et une tasse de café (même si elle le sait, elle sera probablement froide et vide à l’arrivée). son casque enfilé, elle s’éloigne de la caravane en pédalant. dans ses oreilles couvertes, le vent se mêle aux mots de fran vasillic. des deux côtés de la route déserte, les champs se succèdent et se ressemblent, blanche les trouve rassurant, se rappelle comment grand-maman les adorait. maman elle, les détestaient. à vrai dire, elle détestait tout sur l’île, du moins, c’est ce qu’elle avait toujours dit à blanche : « je suis partie dès que je l’ai pu, jamais je n’y retourner ». souvent, blanche pense à l’enfance de maman ici, sourit en se disant qu’elle a pu arpenter cette rue-ci, s’arrêter sur ce banc avec quelques amis, rencontrer un garçon dont elle se serait crue amoureuse ici. si elle détestait guernesey, blanche se sent paradoxalement proche d’elle depuis qu’elle l'a quitté pour venir ici ; surtout lorsqu’elle est sur son vélo, son casque sur la tête comme aujourd’hui.

les champs laissent place aux habitations. blanche roule depuis un moment. les habitations se font plus rares. depuis quelques minutes déjà, l’album qu’elle écoutait est terminé et le vent seul l’accompagne. les joues rougies par l’exercice, le souffle court, elle doit s’arrêtée. elle voulait gagner les falaises, s’approcher le plus possible du bord et saluer la mer comme le faisait maman lorsqu’elle était toute petite (pour dire « bonjour à l’Angleterre » elle se justifiait).

ses membres semblent à présent trop lourds pour qu’elle ne puisse se tenir droite, péniblement, blanche traîne le vélo jusqu’à un banc, se laisse tomber sur le bois humide. figaro sur les genoux, son vélo posé au sol devant elle, elle détaille la place sur laquelle elle s’est arrêtée. il y a un antiquaire qui fait l’angle, sans lire l’enseigne, elle le devine aux vitrines encombrées. un couple rentre dans la boutique, un autre passe devant elle sans lui prêter attention. l’endroit est calme, comme hors du temps. il faut quelques instants à blanche pour remarquer qu’en face d’elle un homme a son regard fixé sur elle. une fontaine vide les sépare, peut-être que ce n’est pas elle qu’il regarde ?