— halloween time

L’automne s’était annoncé et il n’en fallait pas plus à Eugene Ginzburg pour être ravi. La fraîcheur insidieuse du vent sous ses vêtements, les couleurs qui captivaient ses iris brillant d’un enthousiasme nouveau et les prémices d’un hiver sur l’île lui rappelaient les nombreuses saisons qu’il avait passé chez lui. La douceur d’une enfance insouciante et d’un père aux attentions précieuses bien que disparates – Eugene n’avait jamais eu besoin de grand-chose que d’un peu d’amour pour subsister et devenir l’homme qu’il était aujourd’hui. Alors assister à l’une des énièmes fêtes foraines d’Halloween l’emplissait d’un sentiment indescriptible. Une joie intense couplée à une fièvre complète de pouvoir passer un peu de temps en extérieur et de croiser quelques têtes connues. Peut-être qu’il le croiserait, se permit-il de penser alors qu’il sirotait sa bière, accoudé à la buvette de la fête foraine. Sur sa tête se dressait des oreilles de chat et sur son visage quelques moustaches dessinées au feutre noir d’une main légèrement maladroite. Sous sa veste, il arborait sobrement un haut près du corps au motif panthère. Totalement au fait de son niveau incomparable de mignonnerie, en plus de sa tenue peu recherchée, il exhibait un petit sourire en coin, détaillant la foule à la recherche d’une tête qu’il pourrait interpeller pour lui tenir compagnie.
@Zac Hwang

Des cornes de diable sur la tête, une longue cape rouge qui danse au gré du vent, Victor est déguisé. Il déambule entre les citrouilles et les bottes de foin à la recherche d’une tête connue. Voilà vint-sept ans que Victor ère sur l’île, ses connaissances sont nombreuses mais ses amis se comptent sur les doigts d’une main. Un verre de cidre artisanal à la main il passe de groupe en groupe, à la recherche de quelqu’un avec qui partager un tour de grande roue. Chaque année, il aime observer l’île, le promontoire artificiel offre une vue imprenable sur toute la lande. On peut y voir la terre se noyer dans la mer et les herbes folles aux couleurs d’automne s’agiter au rythme des bourrasques. Guernsey est belle et Victor aime se délecter de ses charmes. Il aurait voulu partager cette beauté avec son grand-père, mais cette année, il lui rendra un hommage digne, il regardera pour lui la terre se préparer pour sa tenue d'hiver.

Victor veut oublier ses idées noires, et rien de tel que cet endroit pour ça. Les touristes ont quitté l'île, il ne reste que les natifs et les habitants à l'année. Il ne reste que ceux que Victor pourrait apprécier.

@qui veux

@eugene ginzburg
Zac n’avait fait que le minimum, comme pour chaque Halloween : des cheveux gominés, jetés en arrière ; une chemise blanche, quelques boutons déboutonnés laissant apparaître son torse ; une veste en cuir, vestige de la garde-robe de son père, qui criait les années soixante-dix ; des yeux fardés de noir, intensifiant un regard déjà sombre. Il ne s’était inspiré d’aucun films cultes, d’aucune séries d’horreur, d’aucun folklore local : il n’avait adopté qu’un look qui se voulait résolument rétro et qui, en s’examinant dans le miroir, lui avait paru parfait pour l’occasion. Il était sorti du cottage familial avec, à l’esprit, la simple envie de partager une bière, au milieu d’amis à qui il avait donné rendez-vous, et de juger les costumes des autres. – I’m just gonna enjoy the night with some friends, avait-il lancé à sa mère, dont le regard lui avait intimé l’ordre de ne pas revenir complètement saoul, sauf s’il voulait connaître son courroux, avant de lui déposer un baiser sur la joue. Il s’était répété cette excuse plusieurs fois, des jours durant, pour tenter de repousser la vraie raison, pour tenter de taire sa réelle motivation : tomber sur Eugene Ginzburg.
Lorsque Zac arriva sur le lieu des festivités et qu’il aperçut sa cible, il se mit à sourire et à se retourner, prêt à rebrousser chemin, s’exclamant intérieurement que le hasard était une bête abominable qui s’amusait à jouer avec ses sentiments. Tomber sur Gene n’avait été rien d’autre qu’une possible tournure des évènements. Il ne s’attendait pas réellement à poser son regard sur lui dès la première seconde de son arrivée. Il regarda la route qu’il venait d’emprunter à pied : elle lui semblait, maintenant, étrangement sombre, inhospitalière : peut-être que le hasard lui réservait d’autres surprises, s’il décidait de fuir maintenant, contre son propre instinct, qui lui disait de sauter à pieds joints dans l’arène et d’affronter celui qui faisait battre son cœur un peu plus rapidement lorsqu’il apparaissait inopinément dans ses rêves, nocturnes ou éveillés.
Un nouveau sourire anima ses lèvres. Sa décision était prise. Il avait, même s’il ne se l’avouait pas, pour ne pas admettre une certaine faiblesse, attendu ce moment depuis tellement longtemps. Zac se faufila dans la foule, sa cible brillant parmi elle, les autres visages n’étant que des croquis flous dont les traits lui échappaient totalement. Il se glissa derrière Gene et approcha ses lèvres, furtivement, de l’oreille du garçon.
– You again, souffla-t-il dans un murmure, posant ses mains sur les épaules de Ginzburg pour l’empêcher de succomber à la surprise et de sursauter.

Zac Hwang lui avait laissé le goût de trop peu. Son regard malicieux avait hanté ses nuits, ses journées, depuis la dernière fois, là où il lui avait filé entre les doigts, dès qu’il avait tourné la tête. Sans nouvelles, sans signes de vie, il avait cru avoir rêvé la rencontre, ou plutôt les retrouvailles, sur cette vielle table en bois. La sensation de son pied contre sa cheville, l’électricité ressentie, l’évidence même présentée alors qu’ils se regardaient. Il n’en avait pas fallu plus pour qu’Eugene Ginzburg ne se sente fébrile. Et, regardant dans la foule, à la recherche d’un ancre qui pourrait le sauver d’une solitude certaine, il ne le vit pas arriver. Ne sentit pas immédiatement son souffle contre son oreille, ne se retourna pas pour questionner qui osait s’approcher de lui avec autant de familiarité. Il n’eut pas besoin de beaucoup de jugeote pour comprendre qui se glissait contre lui. Il sut. Immédiatement, instantanément, lorsque son corps se transforma en un frisson géant. Les poils hérissés sur le derrière de sa nuque, il frémit. Tremblota un instant, dût déglutir et se tourna vers Zac, fronça le nez. «  Yeah. » Sa voix s’éteignit entre ses lèvres, tandis que son regard le détaillait, ne perdant pas une miette du spectacle. L’illumination soudaine de ses iris sous l’influence de Hwang, Gene s’humecta les lèvres, secoua ses mignonnes petites moustaches et pinça son interlocuteur. Car quitte à être familier, autant l’être de A à Z. «  That’s for leaving me on the spot last time. » précisa-t-il, plongeant son nez dans sa pinte en plastique, pouffant de rire. Oh, il savait qu’il ne s’ennuierait pas ce soir. Zac Hwang pouvait faire ce qu’il voulait de lui.
@Zac Hwang