call it fate ; ryan

Maya, elle traîne des pieds, la tête en l’air, les mots en vrac. Des mots décousus qui forment des phrases sans queue ni tête qui alertent les touristes aux yeux de merlans frits. Ils tentent tant bien que mal de suivre la girouette égarée qui leur sert de guide, mais ils se perdent à mesure qu’elle déblatère des semblants d’explications qui n’ont aucun sens. Elle se mélange les pinceaux, le rouge aux joues, les pensées qui voguent entre les eaux d’une idylle naissante. Ryan. Il y a plus de place pour la logique quand elle le revoit dans son costume trois pièces, le sourire au coin des lèvres sur fond de soirée mondaine. Bang bang, my baby shot me down. Quelques mots d’un accent qui roule sur la langue et elle était déjà sienne, à lui manger dans le creux de la main, les yeux pétillants comme le champagne qui coulait à flot ce soir-là. Maya, elle s’amuse à faire défiler la bobine de leur rencontre en boucle et à chaque fois, c’est fatalement la même chose -  son cœur s’emballe à tout rompre.

Le d e s t i n.
Il aurait pu rester figé dans sa mémoire. Un vestige de plus dans le musée de ses histoires  d'amour mortes-nées. Un souvenir vacillant au gré des vagues comme un fantôme prêt à resurgir pour la hanter.
Une attirance éteinte par la fatalité de mondes trop différents.
Et pourtant.
A des années lumières de leurs vies d’avant, c’est deux âmes égarées qui se retrouvent à  Guernsey.
Lui avec ses légumes.
Elle avec ses touristes.
Des regards discrets, des sourires dissimulés, des planètes alignées.
C’est qu’elle croit, Maya, avec toute la naïveté du monde. Quand elle le voit, c’est un futur à ses côtés qu’elle s’imagine. Comme si c’était l’univers qui l’avait décidé. Elle croit aux signes, Maya. Et elle ne peut décemment pas fermer les yeux sur ces retrouvailles aux allures de comédie romantique.

- Et voici le marché de Guernsey. C’est ici que vous retrouverez les meilleurs produits locaux. Je vous laisse faire un tour, profitez-en bien, qu’elle balance à moitié concentrée. Elle sait qu’il se trouve à proximité. Elle le cherche dans la foule, mais ses yeux ne tardent pas à le révéler. Elle pourrait le reconnaître entre mille, attirée comme un aimant par cet homme qu’elle ne connaît que très peu mais qui lui semble déjà si familier. Il fait partie de ces rencontres qui ne se mesurent pas dans la durée, mais dans l’intensité. Elle aime à penser qu’ils étaient faits pour se retrouver. Des mièvreries qu’elle garde cachées comme un secret bien gardé.

Elle s’approche l’air détaché, lui adressant discrètement un morceau de papier.


Une vieille bâtisse historique qui n’est plus utilisée, mais qui est l’endroit préféré de Maya. Elle est prête à lui dévoiler un morceau de son intimité, à lui faire découvrir son monde où se mêlent des étoiles et des rêves teintés de simplicité et d’un doux parfum iodé.

Une nuit volée.
Elle attend au pied du phare, son souffle brumeux qui s’immortalise dans le froid glacial de la côte. Elle tremble un peu, à peine. Maya est habituée aux températures britanniques portées par le croissant de lune. L’excitation lui tient également chaud. Mais elle se contient, pas prête à faiblir devant un homme. Tout du moins, pas prête à lui montrer. Même si elle ne peut retenir un sourire chaleureux et sincère lorsqu’elle voit sa silhouette fendre le couvert bleuté de cette nuit noire. - Bonsoir vous, qu’elle murmure en le voyant s’approcher. C’est le genre de choses ringardes qu’elle adore balancer mais face à son minois de femme-enfant illuminé, personne ne peut réellement résister.