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| Simple bouteille à la mer, séduite par une voix, une attitude, elle l’avait longtemps observé, en retrait avant de déposer ce billet dans lequel elle avait pris soin de glisser un autre papier, avec son numéro de téléphone. Pourquoi ? Elle-même ne le sait pas, elle n’est pas du genre à faire cela d’habitude. Et peut-être l’aurait-elle croisé à King’s Mill lors d’une soirée qu’elle n’aurait certainement pas porté son attention sur lui. Mais voilà, sur le chemin du travail, elle avait pris le temps d’écouter ses mots qui renfermaient une certaine douceur mêlée à la mélancolie d’une âme sensible.
Elle n’y avait ensuite plus pensé de la journée, absorbée par son travail et la perspective nocturne qui s’offrait à elle. À peine le service terminé, la voilà qui était déjà partie, aussi discrète qu’à son arrivée. Elle boit, danse, fume, rit, Norma, insouciante, transportée par la musique et la foule. Yeux mi-clos, bras levés elle se laisse aller à cette douce ivresse qu’elle aime tant, laissant toute volonté en dehors de tout cela. Plusieurs verres, plusieurs danses et elle suit cet homme, silhouette inconnue qu’elle apprendra à connaître dans la nuit.
Elle ne se rappelle déjà plus son prénom lorsqu’elle s’habille pour partir et qu’il lui demande de rester, intrigué par cette jeune femme quasiment muette, au sourire énigmatique. Mais, Norma, elle a des principes, elle ne reste pas dormir et elle ne s’étale pas sur sa vie. Elle allume sa cigarette, sans lui demander son avis et le regarde une dernière fois avant de partir.
Le froid du jour qui se lève lui glace le sang, éveillant tous ses sens endormis par cette nuit d’ivresse. Elle n’a qu’une envie, retrouver son lit, chose qu’elle fait rapidement. Ce jour est son jour de repos, entièrement mérité. Elle met alors son téléphone en charge et se laisse aller dans les bras de Morphée.
Pourtant, c’est ce même téléphone qui vient la tirer de son sommeil quelques heures plus tard, la sonnerie d’un message qui la fait sursauter. La tête contre l’oreiller, elle cherche à tâtons l’objet de malheur, imaginant qu’il s’agit de sa mère. Mais il n’en est rien, le numéro flou qui s’affiche sur son écran, elle ne le connaît pas. Norma met un peu de temps avant de recoller les souvenirs. Elle se mord alors la lèvre dans un sourire, l’inconnu à la guitare. Elle n’aime pas vraiment les échanges virtuels, mais elle joue le jeu, avec plaisir, discutant toute la matinée. Il aura réussi l’exploit de la tirer de son lit avant midi. Sur son tourne-disque, elle met le vinyle de Deep Purple qu’elle a acheté récemment, et puis, elle boit son thé, assise sur une chaise à la table de son salon, attendant que son téléphone vibre, signe d’une nouvelle communication. Elle ne voit pas le début de l’après-midi passer, trop occupée à répondre. Et puis, ils décident de se voir, vers dix-huit heures. Pourquoi attendre ? Elle ne travaille pas aujourd’hui. Ce qu’elle veut ? Elle ne sait pas. Ils arrêtent d’échanger, se mettant d’accord sur le lieu de leur rencontre, un bar.
Mais Norma O’Brien aime se faire désirer. Elle quitte son appartement à l’heure de leur rendez-vous après avoir enfilé sa paire de doc et son manteau en fausse fourrure, parsemé de tâches de léopard qu’elle a chiné en friperie et dont elle est très fière. Son portable au fond de son sac, elle ne prend pas la peine de le prévenir de son retard, allant jusqu’à prendre le temps de s’arrêter pour rouler une cigarette avant d’arriver.
À quelques mètres du bar, elle s’arrête. À nouveau, comme elle l’a fait la veille, elle prend le temps de l’observer, tant qu’il ne la voit pas. Un léger sourire vient se loger sur le coin de ses lèvres alors qu’elle reprend sa marche. Arrivée à sa hauteur, elle s’assoit, posant son sac à ses pieds et lance avec désinvolture cette phrase pour excuser son retard : « Pardon pour le retard, il y avait des bouchons ! » Alors, elle lui sourit, consciente que son humour n’est pas le meilleur et elle porte sa cigarette à ses lèvres, l’observant toujours de ce regard perçant. |
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