toast to the ones that we lost on the way. (catarina)

La fraicheur matinale rappelle que l’automne reprend petit à petit ses droits sur l’île. Resserrant son gilet à grosses mailles sur ses épaules, Cora emplit ses poumons d’air marin avant de boire une gorgée de thé. Observer l’écume qui gagne du terrain sur le sable, se perdre dans le mouvement perpétuel des vagues, s’oublier devant cette eau sombre qui s’étend à perte de vue. Rien ne semble plus apaiser Cora que la mer. C’est ce sentiment de plénitude qui lui a donné envie de s’établir ici. Immédiatement elle à su, Guernesey allait être sa nouvelle maison. Le changement est pourtant radical, les moeurs, les traditions et même les habitants sont aux antipodes de sa vie londonienne. Tout est à construire, elle doit se reconstruire. Les plans de sa nouvelle galerie sous les yeux, Cora ne se sent pas prête. Le coeur en morceaux dans sa poitrine, elle a besoin d’air, de partir de cette maison dont les murs se rapprochent à trop grande vitesse devant ses prunelles. Ce sentiment d’étouffer, de ne plus rien contrôler, cette tristesse infinie enfouie au plus profond d’elle-même. Tout ceci est exacerbé dans cette bâtisse qui n’est pas réellement la sienne. L’envie d’une pâtisserie ne se fait plus attendre et Cora prend le chemin d’un petit café situé à l’est de l’île. Un endroit qui a le don de lui rendre le sourire. Le délai est-il dépassé? Fallait-il que la jeune femme puisse enfin vivre normalement, sans se demander encore et toujours: pourquoi? Six mois et aucune réponse tangible. Aucune excuse à la hauteur de cette trahison sentimentale. Aucune explication sur cette vie à deux jetée aux oubliettes. Peut être est-ce temps. Temps de lâcher prise. D’oublier ce trou béant qui a prit la place de son palpitant. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise manière de se remettre, finalement. Le temps guérit les blessures, même les plus profondes. Ce matin, c’est un pain au chocolat qui guérit tous ses maux. Perdue dans ses pensées, griffonnant quelques idées pour l’agencement de sa galerie, un visage qui semble familier sort la jeune femme de sa concentration. Sortant du petit café à la hâte, Cora en est presque certaine, cette silhouette ne lui est pas inconnu. Le pourcentage de chance de tomber sur une connaissance semblait pourtant infime sur cette île. En descendant la rue, elle décide de prendre son courage à deux mains. Après tout, si ce n’est pas son ancienne amie, elle passera tout simplement pour une folle. — Catarina! S’enquit-elle alors, d’une voix un peu plus criarde qu’à son habitude. — Catarina! Dit-elle une seconde fois. Alors qu’elle fait volte face, Cora reconnait bel et bien son amie, amie qu’elle n’a pas vu depuis des années. — C’est incroyable, qu’est ce que tu fais là? Le regard interloqué de la jeune femme en dit long. On pourrait presque croire qu’elle ne sait pas qui se tient devant elle. Peut être est-ce simplement le choc de revoir Cora après si longtemps. Après tout, l’eau avait coulé sous les ponts depuis leur dernière conversation.