don't look back -- daisy.

Les nuages cotonneux, la brise chaude contre les joues. Plutôt rare d'avoir un tel luxe à cette heure de la journée, alors que le soleil est à peine levé, continue sa montée pour éclaircir le ciel, annonçant certainement une de ses journées où les âmes seront nombreuses à sortir de sous leurs toits, profitant de l'île et de ses beautés. T'as plutôt l'habitude de marcher rapidement pour te rendre au boulot, mais cette fois t'as envie de t'attarder un peu, écouter le chant des oiseaux et profiter de ce soleil sur ta nuque. Ça t'encourage un peu, toi qui avait si peu envie de quitter ton lit ce matin, la chaleur de ton copain à tes côtés, mais le boulot t'attendait, inévitablement. Ça rassure un peu, ça donne presque envie de vraiment aller en mer aujourd'hui, car les vagues ne manqueront pas d'être douces.

Tu fermes les paupières, savourant cette sensation de la chaleur sur ta peau, celle qui ne brûle pas, celle qui passe comme le vent, et qui t'entoure entier. Quelques passants ici et là, mais l'île est encore majoritairement endormie à cette heure-ci, à part pour les travailleurs comme toi. Et alors que tu t'assures de ne pas être en retard - bien au contraire, tu es d'avance - tu aperçois une silhouette bien connue, une binette qui fait immédiatement monter le sourire sur ton visage, et la lumière dans tes yeux. « Well, well, look who it is. » Tu souris de plus belle, bifurquant légèrement de ta route pour t'approcher de la jolie Daisy, Daisy qui resplendit, Daisy qui ne peut que te rappeler des bons souvenirs. « If it isn't the prettiest girl on the island. How are you ? » Tu flirtes toujours un peu avec elle, le souvenir du bon vieux temps, mais ça a tout de sincère - elle est belle, Daisy, tu l'as toujours trouvé. « Not too bad today, eh ? » Que tu souffles en pointant le ciel bleu et le soleil qui continuait de monter, les yeux qui se posent ensuite sur elle. Baume au coeur.

( @daisy dayman   )

Daisy adore son petit boulot, en ce qu'il lui offre chaque matin la possibilité d'admirer les merveilleux paysages de l'île - la ville, les collines, les passages de la nuit au jour, le soleil encore caché derrière la mer. Tous les jours c'est une nouvelle aventure, un nouveau tableau qu'elle admire en se rendant de boîte aux lettres en boîte aux lettres. Elle n'est pas assignée au même secteur mais elle a ses endroits préférés, et ce qu'elle préfère, c'est passer par le port. L'aurore est à peine visible lorsqu'elle quitte la maison ce matin, enfourche sa fidèle bicyclette et file chercher son lot de livraison au bureau de poste. L'air est si doux pour l'automne déjà bien avancé. Une fois les lettres récupérées et installées maladroitement dans le panier du vélo ou fourrées dans son sac de postière, Daisy entame son trajet du jour. Elle dépasse les petites maisons rassemblées autour du centre-ville, comme pressées de voir ce qu'il s'y passe de bon matin, où les travailleurs de l'aube sont déjà en route pour commencer la journée.
Arrivée aux abords du port, elle retrouve les cris de mouettes curieuses et les remous calmes de l'eau. Elle entend résonner les voix graves des marins parés pour la mer, les ancres levées, les filets remontés. La plupart des passants secouent l'air devant leur nez et hâtent le pas, assaillis par l'odeur puissante de poissons et des fonds marins. Daisy respire à pleins poumons. Elle est rarement gênée par ce qui dérange les autres. Galvanisée par le lever de soleil et l'animation grandissante sur le port, elle accélère un peu les mouvements de pédale, comme pour rattraper la course du jour naissant. Encore perdue dans ses rêveries habituelles, elle manque de peu de ne pas s'arrêter lorsqu'elle reconnaît un visage familier. Elle appuie fort sur les freins usés, et finit de ralentir en frottant ses pieds sur le sol. - H... Hi, Em. Elle a toujours la voix timide en sa présence. Emory, c'est avec une tendresse infinie qu'elle pense tous les jours à lui, qu'elle espère secrètement le croiser sur sa route comme ce matin. Elle chérit depuis des années les premières fois où ils se sont regardés. La naïve Daisy n'a jamais vraiment osé avouer à ce presque frère certains sentiments qu'elle ressentait, qu'elle ne savait même pas nommer. Mais elle reste toujours troublée par l'écho de sa voix qui lui est adressé. Ses lèvres s'étirent inévitablement en un sourire discret, ses yeux cachés par sa frange mal coupée. Puis elle rougit à l'entente de son compliment exagéré. - Stop it, you know it isn't true... Elle murmure, pas sûre qu'il puisse l'entendre.
Comment pourrait-elle l'être ? Elle qui n'avait aucune conscience de sa propre beauté. Daisy était aussi jolie qu'une pâquerette, sa mère répétait souvent qu'elle n'aurait pas pu lui choisir un meilleur nom. Mais quand elle se coiffait devant son miroir, se paraît de bijoux divers et de foulards et bandeaux dans les cheveux, quand elle portait ses habits préférés, elle ne le faisait pas pour être belle. Elle le faisait sans véritable raison. Mais c'était de notoriété sur l'île que la petite postière avait un visage d'ange. Elle ose à peine relever les yeux pour épargner un peu le rouge de ses joues. Elle qui ressent tant de choses autour d'elle n'a jamais été capable de comprendre l'émoi que lui causait le jeune homme. Elle regarde le bout de son doigt tendu vers le ciel voilé. - Not too bad indeed. Elle hoche la tête à l'immensité bleue, puis regarde Emory et lui sourit.