def too sober for this shit.

— friendship can
break your heart too. —

( ft. @faye winters )

Il y a un truc de paisible en mer. La douceur de l’étang infini devant ses yeux et le souvenir qu’elle n’est rien si pas illusion, pour ce qu’elle lui avait pris à lui et à tout ceux qui lui étaient chers. Forty avait passé les dernières semaines à voguer, à s’éclairer l’esprit pour ce qu’il ne comprenait plus et ce qui faisait trop de sens. Il avait accepté un travail de plus, le premier depuis bien longtemps - parce que l’argent, si elle ne manquait pas, avait toujours son attrait. C’est armé de son butin, de l’or et des trésors qu’une épave de plus contenait que le blond accoste à domicile. Guernsey ne change en rien, elle ne change jamais. Il aura voulu la quitter pour au final être incapable de lui tourner le dos complètement, mais il le sait, les choses sont différentes cette fois-ci. Il le sait au moment où son téléphone retrouve le réseau, au moment où il se fait bombarder de messages. Jonas. Il y a pas de réaction qui soit décente. Que ce soit la joie, que ce soit la colère ou la déception, elles ne font qu’une et pour la première fois, c’est lui qui a l’impression de se noyer. Les souvenirs, le deuil fait il y a trop longtemps et finalement la culpabilité. Jonas avait toujours été le good one, le meilleur peut-être. Dans les yeux d’Oliver, jadis, et ceux d’Hana, mais surtout dans ceux de Forty. Lui n’était qu’une pâle comparaison à ses côtés, une épave aussi bonne à piller que celles qui croisent son chemin. Il sait ce qu’il doit faire, l’homme de la mer, il sait qui il doit aller retrouver, sait que rien ne sera rationel. Alors, au lieu d’aller là où il faudrait, il va là où il a compris pour de bon que son meilleur ami ne reviendrait pas; le bar. Y en a pas des tonnes, puis il y a celui où ils se réunissaient tous les quatres. Forty, dans sa plus piètre forme, pousse la porte de l’endroit lugubre en fin d’après-midi et laisse un temps à ses yeux de s’adapter à la pénombre. Le blond avait royalement ignoré tous les messages sur son portable, concédant que rien n’était plus pressant qu’une bouteille de rhum pour y noyer ses sentiments confus. L’ombre d’un sourire passe ses lippes, mais s’efface aussitôt. Ils ne sont plus les même personnes, vivent comme des inconnus sur une île qui aura vu leurs quatre-cents coups et se retrouvent dans un bar qui aura accueillit bon nombres de leurs confessions. Forty rejoint Faye à la table où elle se retrouve, solo, et prend place en face d’elle. La logique l’aurait fait courir vers son meilleur ami, l’aurait fait courir vers celle qui a tout perdu au passage, mais il n’en est rien. Parce qu’il n’est pas prêt à confronter la réalité, pas encore. “I see great minds think alike.” Ses iris croisent celles de la brune, et l’avantage de connaître la place, c’est que le barman sait quoi lui apporter dépendant de la gueule qu’il affiche. Une bouteille pleine de Rhum fait son apparition entre Faye et Forty sans que ce dernier ait eu à prononcer quoi que ce soit et c’est soulagé, qu’il l’ouvre et commence à la descendre vitesse Jack Sparrow. Lorsque le coeur lui lève presque, c’est le moment où il pousse le liquide ambré dans la direction de sa compagnie d’infortune. “What are you all pissy about, shouldn’t you be happy or something ?” Shouldn’t we ?

Rien ne fait sens. Elle a la nausée, Faye, et les yeux creusés de nuits sans sommeil, passées à limiter les dégâts de la bataille sur sa poitrine. Jonas. Hana. Oliver. Rien ne fait sens. Le deuil a comprimé ses poumons pendant des semaines, des mois, des années. Une disparition qui se mêle à une autre, rejoint un abandon et une solitude qui s'écrase sur ses épaules. Ils sont de retour – tous les quatre. Mais rien n'est pareil. Jonas est autre, Hana encore brisée, et Forty est Forty. Faye regarde le ciel qui s'assombrit derrière la vitre du bar. La table est familière, pourtant, l'endroit n'apporte que rancœur et une putain d'envie de finir à moitié crevée sur le pallier. Elle souffle, c'est théâtral et tragique et terriblement sincère, s'enfonçant un peu plus dans le cuir de la vieille banquette. Sa place. Et autour, rien. Elle est seule, parce que le groupe n'existe qu'en éclats dispersés. Elle ne les connaît plus. Les liens sont tendus, parfois rompus, coupés net. Ça fait mal, ça creuse dans son estomac, et, finalement, Faye s'est rendue compte qu'il n'a jamais été tout à fait comblé. Elle agite son verre pour faire glisser la dernière goutte qui s'acharne dans le fond – elle a beau lever le coude, il en reste toujours un peu. How ironic. Elle ne relève les yeux que lorsqu'il se glisse en face. Forty, et ses yeux bleus et son air suffisant et ses mains calleuses d'avoir trop gratté dans les ruines des autres. Faye lève son verre et plisse les paupières. 'Though fools seldom differ.' Elle ricane, cogne les dents contre le verre et grimace quand la dernière goutte n'atteint pas ses lèvres. Elle s'apprête à tendre la main et réclamer un peu de réconfort liquide, mais le barman la devance et dépose une bouteille de rhum entre leurs deux profils fatigués sans qu'aucun n'ait eu à parler. Elle plisse les lèvres, impressionnée, hoche la tête en simple remerciement, et attend patiemment que Forty se soit enfilé sa part avant de prendre la sienne. Ça lui brûle la langue et lui griffe le palais et les effets ne sont pas assez immédiats à son goût. Mais au moins, Forty est là. Two out of four. C'est presque ça. 'I am, happy. Can't you tell ?' Elle étire les lèvres dans une grimace qui se voudrait sourire, et roule des yeux avant d'avaler une gorgée de plus, pour le courage. La bouteille glisse jusqu'aux mains de son partenaire de beuverie. Elle laisse un morceau de silence s'installer, et ses yeux retrouver la vitre et le monde juste derrière. Elle inspire. 'Crazy, huh ?' C'est amer sur sa langue. Plein de tout, de rien, de mille émotions qu'elle n'a pas la force de trier ni d'admettre. 'D'you think the sea got tired of him and just… Told him to fuck off and sent him back to the land ?' Elle échappe un rire, alors que son coeur se serre. Un peu triste, un peu confuse, un peu jalouse, aussi. Parce qu'il est revenu, à Hana. A Forty. Mais elle, il semble qu'elle n'a pas vraiment le droit de le retrouver – pour une raison qu'elle ignore. Comme si leur relation n'avait été qu'un mirage, une surface fine posée sur un vide. Faye retrouve son verre autour duquel elle crispe ses doigts, et qu'elle agite vaguement pour désigner la bouteille. 'Remember how much rhum we used to drink, back then ?' Lorsqu'ils filaient sur l'eau et plongeaient dans le secret des profondeurs pour prendre ce que les autres avaient abandonné. 'What's the thing people say, again? 'Good old days', am I right ?' C'est ironique sur sa langue, alors qu'elle tapote la table pour réclamer l'alcool.

Le bonheur, concept surfait, voir mal compris par ces deux amis qui ne semblaient pas pouvoir rattraper l’autre. Faye parvient tout de même à lui arracher un sourire, alors qu’elle termine la citation qu’il avait commencé. Fair enough. Il pourrait s’en amuser plus, alors que la tête que la brune lui tire lui rappelle des moments sur son bateau, des moments alors qu’ils n’étaient que pirates à la recherche de leur prochain butin. Sauf qu’il la connait, Faye et y a un truc qui cloche, ils ont tous un truc qui cloche. Maintenant plus que jamais. “You’re glowing.” C’est dit à l’arraché, alors qu’il usurpe à nouveau la bouteille de rhum épicée qu’elle tenait prisonnière - non, pas vraiment, mais elle ne l’aura pas redonné assez vite, hence, gimme that. Une éclaire d’insolence brûle dans son regard, mais c’est bon enfant, elle le sait, elle le connait. Parce que c’est plus facile de rire quand ça va mal que de réellement pleurer et que la bouteille est pleine, mais qu’elle se vide drôlement rapidement. Le sujet est vite abordé. Le retour de Jonas dans leur vie qui chamboulait tout et la mine de Forty se renfrogne. Il cache rien, parce que ça ne sert pas à grand chose, Faye en connait trop sur le dossier pour qu’il nie quoi que ce soit, de ses sentiments à l’ouragan qui se passait dans sa cervelle à l’instant même. Elle est amer, il l’est aussi, puis pendant un bref instant, il culpabilise, Forty. Jonas avait traversé des épreuves qu’ils ne pouvaient même pas imaginer et son meilleur ami ne pensait pas aux effets que son absence avait eu, mais bien aux répercussions que son retour aurait. Le liquide ambré lui brûle la gorge et Forty se donne le défi silencieux qu’à la fin de la soirée, il ne ressentirait plus le rhum glisser contre sa trachée. “He doesn’t have my charming wits, so.. Doubtful.” Vrai. D’eux deux, Forty était celui qui avait un sale caractère, une tête à claque et il était bien plus probable que la mer en ait marre de lui qu’elle ait marre de Jonas, le loup marin. Plus de rhum, toujours, ne regrettant absolument pas d’avoir une bouteille et non, un verre, Forty se fait radin, ignore l’appel à l’alcool de Faye, l’espace d’un instant. Les souvenirs de leurs aventures sont flous et avec raison -  “No, I don’t but that probably means we were doing something right.” Yes we were et l’argent accumulé ainsi que les gueules de bois nombreuses n’étaient que preuves. Une dernière gorgée avant de laisser la bouteille filer entre ses doigts. Bien. “Pretty sure you thought you were Jack Sparrow at some point.” Sur ses lippes se forme un extrait de sourire, un amusement certain à repenser à tout ce qu’ils avaient pu vivre sur la mer.  “Where’s the rhum ? Why is the rhum always gone ? Rings a bell ?” Forty tente une imitation approximative, alors que les effets de l’alcool le délie, alors qu’il évite de parler de ce qui fâche, ce qui fait trop mal pour être prononcer. Pas ce soir, pas maintenant. Probablement jamais d’ailleurs. “We all know I’m Jack. You can be Elizabeth if you want.” Bouteille. À Forty. Now. Il redemande le rhum, exige tout en terminant sa phrase. “Or Tia Dalma before she went all Calypso.” Or after, dépendant de son humeur, il imaginait.

Le majeur se lève en même temps que la bouteille. 'Shut up.' Les traits son tirés et les insomnies violentes. Definitely not glowing. Tout se déverse sur la table en bois usé, celle-là même qu'ils ont griffé de leurs soirées chaotique. Ils étaient bien – ils étaient quelque chose, et il ne reste plus rien qu'une veuve, un mort, un interdit, et Faye. Les liens sont érodés par une mer malveillante et elle n'a jamais su quoi faire, Faye, de tout ces éclats d'on-ne-sait-quoi que les vagues lui ont ramené. 'Good point, though I don't think the sea would even try to take you.' Le rictus est ironique, la légèreté des échanges fait mal au cœur. C'est presque comme autrefois, presque. Parce qu'ils ont le spectre – pas si spectre finalement – d'un ami commun qui traîne ici, et là, le deuil qu'il faut défaire. Et comment on se défait d'un deuil, lorsque l'on est pas certain de l'avoir déjà tout à fait terminé ? L'alcool lui brûle le palais et embrume les souvenirs, et c'est tant mieux. Ce dont elle se rappelle, elle veut l'oublier au possible. Forty reste Forty, et elle lui envie au moins ça – sa nonchalance intacte, son charme infaillible, et son coup de coude incroyable. 'Oh, we were doing everything wrong.' Elle rit, parce que c'est la vérité, et parce que chaque instant passé ensemble sur ce bateau et dans ces ruines n'ont jamais pu comblé quoi que ce soit. Mais parfois, comme ce soir, elle y retrouverait bien. Pour trouver un semblant d'équilibre, un semblant de bonheur, un semblant de quelque chose qui ne serait pas si douloureux, pas si vif, pas si dur. Jonas est vivant, et avec lui, toutes les vieilles plaies qui se ré-ouvrent. Faye pense à Hana, dont les cicatrices ne se sont jamais fermées, qu'elle a dû retenir dans sa chute au fond des abysses. Le double deuil d'une famille entière, qu'elle a porté sur ses épaules pendant si longtemps. Et aujourd'hui, tout est devenu vain. Les pleurs, les cris, les éclats du cœur répandus partout – tout doit être repris. Faye rit doucement, le son est étrange au fond de sa gorge, et ses yeux s'allument un peu, parce que finalement, Forty est là, son insupportable humour bancale et son ego démesuré bien assis sur une banquette aux coussins usés. 'I'm pretty sure that was your line, not mine. But who knows, I definitely was too drunk to remember any of that.' Elle roule des yeux, prend sa part de rhum et lui rend la bouteille, un peu hésitante. 'We could've died. But here we are, sharing a bottle of rhum in a place that doesn't make sense anymore.' Elle soupire, le coeur qui se serre un peu et elle sait, elle sait que Forty préfère oublier, juste le temps de, noyer les regrets et la peine et les doutes dans un alcool cheap et des discussions foireuses. Mais elle a du mal à passer outre, Faye. Elle essaie, pourtant. 'Come on, everyone know I was Jack. You were Will at best, and I'm being nice because he's hot.' Elle lui refuse la bouteille et traîne ses gorgées avant d'abdiquer et de la lui tendre. 'You little shit, I'm definitely Tia Dalma when she goes all Calypso, have you seen me ?' Elle relève le menton et jette ses cheveux bruns d'un mouvement dramatique. Elle agite les doigts, exige la bouteille, et le descente est brutale. 'Man, why are we even drinking this shit ? And why are you here anyway ?' Le front est plissé et l'impatience se répand entre ses côtes. 'Not that I don't enjoy your company, but I'm pretty sure this is not where you should, or want to be.' Ses yeux transpercent, et elle attend. Parce qu'il devrait être avec lui, avec elle, avec tous, sans doute, mais pas Faye. Pas Faye.