You often meet your fate on the road you take to avoid it. ft Faye

Elle s’accroche à son regard, et lui n’a plus d’autre choix que de le soutenir. Peu importe la douleur qu’il en éprouve. Son ironie, la colère au fin fond de ses yeux ébènes, le ton glaçant, les reproches à peine voilés… Tout ça il le mérite, et n’en a que trop conscience. Alors il encaisse, comme il aurait dû l’encaisser des années plus tôt. Paradoxalement, c’est presque un soulagement, de vivre cette scène qu’il a imaginé un bon millier de fois dans sa tête. Et il ne peut s’empêcher de se demander, Warren, si ce n’est pas ce que son inconscient voulait, quand il a accepté cette mission. Pouvoir la revoir, lui dire combien il était désolé, combien elle méritait mille fois mieux que lui. Il était même prêt à se prendre une gifle, n’importe quoi qui permettrait à la brune de lâcher prise. Le problème, c’est qu’il ne tarda pas à comprendre que la plaie était toujours béante. Etait-ce uniquement de sa faute ? Il n’en savait rien, ne connaissait rien de son parcours depuis son départ. Mais lui qui cherchait l’absolution ne la trouverait pas dans de telles conditions. Chacun de ses mots marquait au fer rouge son esprit, laissant présager par avance bien des nuits où il les ressasserait. Il ne pouvait plus fuir l’évidence, était contraint de laisser le couteau lacérer le peu d’espoirs qu’il avait pu forger. « I didn’t think of it that way, Faye. I was ashamed, angry and miserable. And trust me, hurting you even more was the last thing I wanted.» Malheureusement, c’est ce qu’il avait fait. Et il s’en voulait, plus qu’elle ne pouvait l’imaginer. Tout, absolument tout jouait en sa défaveur : la lâcheté de l’instant, les années de silence, et son retour en trombe aux côtés d’une autre. Si seulement… La gorge serrée par l’émotion, il n’arrivait plus à se maîtriser, et détourna les yeux, sentant combien ces derniers le brûlaient. Il n’avait pas le droit de pleurer, pas le droit d’endosser le rôle de la victime. Pourtant, lui aussi, avait tout perdu ce jour-là. Il en était le fautif, il le savait, mais cela n’en rendait pas la perte moins douloureuse pour autant. « Come on, Faye. There is no way you could have wanted me after all of that. I didn’t want to be that toxic guy around you. I would have find excuses, I would have try everything to…» Make it up to you. Have you back. Les mots ne franchissent pas ses lèvres, mais c’est tout comme. Son regard, son corps… Tout le dénonce. Il n’arrive même plus à se concentrer sur cette vieille carcasse qu’il connaît pourtant sur le bout des doigts. Il essaye, hagard, d’avancer, mais tout ce qu’il parvient à accomplir c’est de prendre un outil pour le reposer dans la seconde. Et lorsqu’elle ose prononcer à nouveau son nom, il ferme les yeux l’espace d'un instant. Comment s’extirper de là ? Comment tenir son rôle sans avoir à lui mentir ? Comment rendre plausible toute cette histoire ?! « Stop it.» C’est trop. Trop pour lui. A fleur de peau, il secoue vigoureusement la tête de droite à gauche. « I thought we were over.» C’est lâché. Et il sait que cette bombe-là va lui exploser au visage immédiatement. Mais c’est trop tard. Et il vaut mieux qu’il rebondisse sur leur histoire à eux que sur Mara et les méandres d’une relation qui n’est vouée qu’à couvrir un secret plus sombre. « That night. We had a fight, and I don’t know why, but I was convinced I lost you.» Il ne l’aurait jamais trompé. Les circonstances voulaient qu’il l’ait fait, qu’il endosse le rôle du salaud. Etrange machine que l’être humain. « There isn’t a single day I don’t regret it. Because you were perfect to me. And I can’t let you think you did something wrong.» Il ne pouvait pas faire la moindre comparaison avec les deux femmes. En revanche, il pouvait lui affirmer qu’il n’avait jamais eu la moindre envie de s’éloigner d’elle. Que leur histoire avait compté, suffisamment pour qu’il ne puisse effacer les souvenirs de sa mémoire. « You can’t blame yourself for my own mistakes. Elle n’en avait pas le droit. Il portait un poids déjà bien lourd sur ses épaules, était à l’origine de bien des maux. Mais qu’elle puisse penser qu’il ne l’aimait pas assez ? Qu’il avait calculé son coup pour se débarrasser d’elle ? Parce que ce qu’elle lui avait donné était insuffisant ? Ça, c’était intolérable. « You gave everything I could have wished for. » C’est lui qui n’avait pas été en mesure de lui rendre la pareille.

Elle avance. Et lui lutte pour ne pas reculer. Pour ne pas lui crier que non, ce n’est pas si facile que cela pour lui d’endosser ce rôle. De lui conter à voix haute tout ce qu’il a gardé sur le cœur depuis des années. Ne la voit-elle donc pas à travers le bleu de ses yeux, cette putain de souffrance ? La culpabilité savamment mélangée à la tristesse infinie de l’avoir perdue ? Elle ne peut s’en douter, mais en réalité personne ne l’a jamais remplacée depuis le jour où il a claqué la porte pour s’enfuir en ville. Des histoires de passage, des flirts sans conséquences… Il en a connu quelques-uns, mais n’a jamais trouvé ni le temps ni le courage de se lancer dans une nouvelle relation. Trop bousillé, rouillé… Et l’ironie du sort, c’est qu’il ne pouvait lui en faire part, endossant présentement le rôle du petit ami comblé. « I wish I had…» Non pas parce qu’il pensait que cela aurait changé quoi que ce soit - il restait convaincu qu’elle n’aurait pu lui pardonner - mais parce qu’il s’était vite rendu compte que la fuite face à ses responsabilités avait un prix à payer bien plus imposant que la confession. « But it didn’t felt that easy at the time. I understand it was a mistake, but I truly thought I couldn’t do better than that.» Et il avait beau jouer et rejouer la partition dans son esprit, les notes s’enchaînaient invariablement de la même manière, le morceau refusant la moindre amélioration. Il était condamné à suivre le chemin de croix de cette mélodie interminable.

La vérité lui brûle le palais. Il se damnerait pour pouvoir lui dire la vérité. Pour laisser les mots franchir la barrière de ses lèvres. We’re not a couple. Mais il se l’interdit. Il n’est plus à une étiquette de salaud prêt. Et Mara… Mara mérite qu’il la protège, quoi qu’il puisse lui en coûter. Et Dieu sait que ça lui coûte, de la laisser penser qu’il était revenu se pavaner aux bras d’une autre. « What do you want me to say, then ?» Qu’elle ne valait rien ? Qu’il l’avait quittée parce qu’il était persuadé que l’herbe serait plus verte ailleurs ? Ce mensonge-là était bien trop grossier pour qu’elle puisse y croire. « I loved you more than you can possibly know Faye. I did everything wrong, and again I apologize for it. But I won’t take back what I just said. Even if it hurts to hear it.» Quant au timing… Il n’y en aurait de toute façon jamais un meilleur qu’un autre. Il fallait que ça sorte, il fallait qu’ils aient cette conversation à cœur ouvert. Il n’espérait aucune retombée positive - savait avoir attendu bien trop longtemps pour se manifester. It's too fucking late. Les mots résonnent dans son esprit tandis qu’elle s’accroupit, le laissant lui et son regard perdu dans le vide. Pourquoi diable avait-il l’impression de la perdre à nouveau ? C’était totalement surréaliste. Et pourtant, ce cœur arraché, sanguinolent, ne lui rappelait que trop sa triste condition d’être humain. « We don’t have to pretend anything…» Faible, il sent ses jambes vaciller, et se laisse finalement aller, tombant à ses côtés. Il ne lui en demande pas tant. Que la politesse, la bienséance et tout le reste aillent se faire foutre. Lui n’ira pas lui imposer des sourires, ni même la vue de son prétendu bonheur. « I know she does.» Faye s’est relevée. Pas lui. Il perçoit la menace, mais n’en a cure. Si elle savait… Mara ne risque rien. Du moins, pas à cause de leur relation platonique. « I won’t hurt her.» Il l’affirme. Parce qu’il ne peut pas blesser une femme avec qui il n’est de toute façon pas.